Lundi 15 mai 2023
La situation météo de ces prochains jours se complique. Sur le bassin, il est prévu du vent d’est puis demain du vent de sud ouest qui va se renforcer jusqu’à jeudi. Puis un peu le bordel avec du Meltem qui rentre pour une durée évidemment indéterminée, ça serait trop facile. Bref je décide déjà de me mettre à l’abri dans un des ports de Paros ou Naxos selon les disponibilités de chacun. Je mets donc le cap à 7h45 en direction du premier d’entre eux, Naoussa à neuf milles au nord de Paros. On verra s’il y a de la place !
Je lève l’ancre sur le plan d’eau calme que strillent juste quelques légères volutes d’air. Je pars à la voile, en silence en glissant doucement. J’aime ces moments hors du temps. Passé le petit cap nord de la baie un vent sympa me prend au près serré venant pile de la direction d’où je suis censé aller. Je louvoie encore et encore mais je me sens bien. Je me fais mon petit café avec un bout de chocolat pendant que le pilote fait son office.

J’arrive doucement dans la baie du petit village de Naoussa. Quel joli nom Naoussa ! J’appelle sur la VHF, personne ne répond. Je décide d’entrer dans le port, plus charmant de l’extérieur que de l’intérieur avec une grosse darse grue au milieu, des travaux, du bruit, des échappements de gasoil. Je me présente néanmoins devant un quai mais les seules places disponibles indiquent « private birth ». Je sais qu’en Grèce cela ne veut pas forcément dire grand chose mais je décide de repartir sans prendre le risque de me faire déloger par 20 nœuds de vent dans le port. En plus, avec les travaux, c’est pas plus mal. Je décide donc de tenter ma chance dans la marina de Naxos distante de huit mille que je me fais au moteur car j’ai la flemme de renvoyer toute la toile.
En Grèce ça sert à rien d’essayer de s’entêter à contacter les marinas (attention je parle des marinas, pas des port classiques non gérés), personne ne répond.



Donc je me pointe direct dans le port et à ce moment un type me siffle et m’indique ma place. C’est suffisamment rare pour être souligné, il y a des pendilles sur les places (amarres à poste alors que pour la plupart des autres ports, chacun se démerde avec son ancre).
Je range soigneusement Babar pour le rendre presentable dans le port et je pars en excursion. Le village est typique des Cyclades avec des maisons à la chaux et des touches de bleu sur des volets ou des tuyauteries. C’est paisible et nonchalent même si ça sent un peu l’appareil à cash. On verra demain en arpentant les autres endroits de l’île à la recherche de plus d’authenticité.








Mardi 16 mai
Je me lève tôt comme tous les jours dans le bateau. Après avoir pris un petit café en terrasse en humant ces odeurs caractéristiques du matin en bord de mer, je vais louer une petite voiture pour partir à la découverte de l’île.
La route qui traverse l’île est un enchantement à travers une végétation étonnement fournie et variée avec des oliviers à perte de vue mais aussi des champs de blé ou d’autres cultures.





Blottis en hauteurs, surplombant des vallées profondes, des villages blancs typiquement cycladiques trônent sur cet éden Méditerranéen.
Je commence ma visite par le village de Filoti. Joli mais je cherche encore plus d’authenticité, de vie quotidienne. Je suis curieux de la vie des locaux sur un aussi beau territoire mais aussi rude et soumis aux éléments parfois violents. Je continue ma route et suis surpris du silence total qui règne partout, à part le vent, mes oreilles sont enfin satisfaites de leur quête de la tranquillité. Je ne supporte plus la vie citadine, l’absence de sens, la folie, la foule, l’inutile, l’ennui, l’hystérie, les dogmes… bref toute la merde qui régente de plus en plus ma vie. Je rêve d’embarquer mes deux filles pour nous affranchir des con.nes (notez mon effort pour l’inclusivité et éviter que personne ne se sente « invisibilisé.e » ou « ostracisé.e » comme on dit aujourd’hui). Mais en attendant je savoure ce moment de décalage. Je ne croise d’ailleurs quasiment personne à voiture, à se demander où sont les touristes mais aussi les habitants. J’arrive enfin au clou du spectacle, le village haut perché d’Apeiranthos, un bijou, qui de l’extérieur de paie pas de mine, il ressemble aux autres sans élément distinctif particulier.




Mais se perdre dans son dédale de ruelles blanches est un délice. Une chose est sûre, je n’ai pas les talents de Thésée, car je me suis perdu plus d’une fois.
Je continue ensuite ma route pour traverser vers la côte orientale de l’île à travers un paysage rocheux désertique et montagneux uniquement habité d’un grand nombre de chèvres farouches. J’arrive bientôt au hameau de Moutsouna situé au ras de l’eau, lieu d’embarquement désaffecté d’une ancienne carrière. Je me prends un petit rafraîchissement face à la fameuse île d’Armogos, lieu de quête quasi mystique pour moi. Rien que l’apercevoir enfin me crée une émotion. Une légère brume de mer diffuse un halo mystérieux autour de cette île comme des autres tout autour.



Il est temps de repartir en quête d’un lieu pour déjeuner. Ce sera Paralia Lionas dans une petite baie rocheuse à l’une des deux tavernes locales Ntoyzenia où m’accueille un vieux couple, à priori ravis qu’un rare touriste viennet chez eux. Fromage, olives, sardines grillées au menu, simple, frugal et efficace.



Direction maintenant d’Appolonia au nord est de l’île. La route est toujours aussi belle avec la vue plongeante sur la mer.
Mais j’ai assez fait de route, il est temps de retourner sur Babar pour nous préparer à repartir demain. Sur la route, j’aperçois un barrage et une immense bassine de rétention d’eau avec beaucoup de cultures sur ce versant de l’île. Je comprends que l’île ne souffre pas vraiment de sécheresse.




