Dimanche 22 mai
Je me suis réveillé tôt ce matin. Mal dormi… grrrr. Me retrouver tout seul me plongea dans un état de mélancolie avancée.
Hors de question de me laisser abattre. Je décidai d’aller visiter les ruines d’Empuries.
Petit déjeuner avalé, quelques feignasseries sur le pont… je levai l’ancre vers 11h30.
Malgré le vent de sud plutôt fort je vis l’école de voile avec les « nins » prêts à en découdre sur le plan d’eau à bord de leurs Optimist. Je pensai à mon petit neveu du même âge qu’eux…
Sur le chemin je décidai de m’arrêter chez un petit revendeur d’anchois situé sur la plaça de la Sardane devant la crique principale de l’Escala. Je commandai quelques tapas d’anchois et un verre de blanc. Passé le moment sympa, le petit coup de bambou arriva : 19€ ! Quand je pense que quelques jours auparavant nous avions mangé pour 16.5€ un repas complet !
L’arrivée sur le site des ruines après une petite marche de 20mn fut un enchantement. Un paysage méditerranéen ponctué de ruines donnait au site un aspect mélancolique et en même temps très « solaire ». Le prix de l’entrée est dérisoire au regard de la qualité et l’entretien du site : 5€.
Je conseille de bien suivre l’audioguide qui est très bien fait.
Je commençai la visite par la cité grecque. En effet, la ville d’Emporion (cité de commerce ou marché en grec) fut bâtie au VIe siècle avJC par des grecs venant de Phocée (les mêmes qui ont bâti Marseille) sur les rives d’Asie mineure (la Turquie quoi…). Les grecs, contrairement aux romains, ne s’intéressaient pas à la conquête mais au commerce. Ils fondèrent un peu partout en Méditerranée des comptoirs commerciaux. En ce sens, il est faux de comparer comme on l’entend parfois les americains aux romains. On pourrait comparer, toute proportion gardée (et surtout culturelle, philosophique, artistique…), les US aux grecs.
Mais attention, et nous le verrons par la suite, ce n’est jamais le commerce qui a le dernier mot mais la volonté hégémonique d’imposer sa puissance, sa culture, bref d’écraser les autres. Comme les romains l’ont fait. Les empires marchands se sont fait marcher dessus (Venise, Pays Bas…).
Revenons à la visite. Celle ci commença par la découverte du pôle le intéressant de la ville grecque : l’hôpital de l’époque sous l’égide puissante d’Esculape dont la statue trône fièrement dans les ruines (sa copie…). La vision de celle ci faisant face à la mer avec les pins parasol au devant est enchanteresse et donne la vraie mesure de la nature toute tournée vers la mer de ce peuple.
Les malades de l’époque étaient pris en charge par des sortes de prêtres qui leur administraient des drogues qui les plongeaient dans un sommeil sensé les guérir. Durant leur sommeil, les patients étaient visités dans leurs songes par des serpents (Esculape…) qui les guérissaient.
La visite continua vers la partie centrale de toute agglomération grecque antique : l’Agora (concept repris par les romains sous le nom de forum). Avant d’arriver dans cette partie je fus intrigué par des réservoirs dans le sol dont les parois étaient encore tapissées d’une sorte d’enduit ou de stuc. C’était là qu’on entreposait le nerf commercial de la cité : les salaisons. Tiens tiens… l’Escala est encore aujourd’hui reconnue pour la qualité de ses anchois conservés dans du sel…
Avant de passer au musée, je découvris la villa d’un riche négociant. Dans la pièce de réception de celle-ci une mosaïque ornait sur le sol avec cette inscription « Edikoitos » : plaisir d’être couché ! C’est donc dans cette pièce et sous cette maxime que les invités se régalaient notamment de vin coupé d’eau en positon allongée (une constante chez les peuples grecs, étrusques et romains. Bizarre car cette position ne facilite pas la digestion. Cette coutume est un peu conservée chez les peuples arabes et berbères). C’est ainsi que l’on buvait le vin à l’époque. J’imaginai toutes les discussions liées à la dégustation autour de la juste et subjective proportion entre l’eau et le vin… aujourd’hui les discussions dans une bonne soirée entre amis tournent aussi autour de la dégustation entre les arômes de fruits rouges ou de bois avec certainement la même passion !
Le musée, tout petit, fait la part belle à la statue d’Esculape. A noter qu’une partie de celle-ci (le buste je crois) à été fait à partir de marbre de Paros (comme la Vénus de Milo).
Le reste est assez quelconque.
Place maintenant à la cité romaine. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, celle-ci ne s’est pas construite a posteriori sur les ruines de la cité grecque mais bel et bien en complément, en cohabitation. C’est un exemple rarissime de mixité entre finalement 3 cultures : Ibère, grecque et romaine. Toute la richesse de cette cité vient de cette cohabitation pacifique (en tout cas au début…).
En effet, nous l’avons vu, les grecs avaient une existence commerciale pure et étaient acceptés par les peuples autochtones les Ibères. Les romains eux, avaient d’autres desseins : imposer la culture romaine à tous les peuples rencontrés. Cette imposition ne s’est pas faite ici par la violence (en tout cas rien d’apparent) mais par une sorte d’assimilation lente et destructrice pour les grecs et les Ibères. Les français ont du s’inspirer des romains…
En l’an 195 av JC, Marcus Porcius Cato installa à Empuries, un camp militaire qui sera à l’origine d’une nouvelle ville (la cité romaine). Les villes romaines et grecques s’unissèrent pour fonder la Municipium Emporiae sous l’empereur Auguste, dont nous devinons dans le forum le temple dédié à son culte. Comme si aujourd’hui nous avions le culte de Hollande… ah mais suis je naïf ! Bien sûr qu’il y a une sorte de culte du président et de la république en France ! Il suffit d’aller dans les administrations… et admirer le portrait qui excite les média après chaque élection présidentielle et son lot d’interprétations débiles selon que le président est pris en photo dans sa bibliothèque (Sarkozy), dans le jardin (Hollande), assis (Miterrand), debout…
La ville romaine construite selon des codes précis propres aux romains avec un découpage par « insulae » (patés de bâtiments) au nombre de 60 n’est aujourd’hui découverte qu’à hauteur de 20%. Il reste encore beaucoup à découvrir.
Aujourd’hui nous pouvons admirer des villas romaines (2), les thermes et leur ingénieux système, le forum, l’enceinte extérieure fortifiée, l’amphithéâtre…
Je me laissai rêvasser au centre de l’amphithéâtre avec tout autour des cyprès et des pins, des champs de céréales balayés par un vent du sud et, au loin, la mer pour donner au tout sa consistance et sa tonalité.
J’ai tout de même été légèrement (très légèrement…) déçu de l’aménagement parfois maladroit des archéologues pour forcer l’imagination des visiteurs. Par exemple au niveau du forum, les reconstitutions de certaines colonnes sont mal faites et cassent l’harmonie du site.
A noter un détail coquin et rigolo. Sur la paroi extérieure de l’enceinte, la présence d’une grosse bite. Au début je croyais que c’était pour indiquer au visiteur la présence d’un lupanar (un bordel). Je le crois d’ailleurs encore car je ne suis pas convaincu par les explications données par l’audioguide qui indique qu’il s’agit d’une sorte d’amulette censée protéger du mal… mais bien sur !
Dernière précision avant de quitter ce magnifique site : pourquoi Empuries est tombée dans l’abandon et n’a pas donné naissance à une cité existante encore aujourd’hui ? Comme Narbonne, Taragonne ou Marseille. Et bien justement car elle n’a pas pu résister à la forte concurrence de ces autres cités romaines. Mais peut être faut il y voir simplement des raisons plus naturelles. La zone est difficile d’accès par la mer avec les tempêtes et vents contraires du fameux cap de Creus tout proche. Les bateaux de l’époque étaient incapables de louvoyer…
La visite terminée, je m’octroyai un petit café en terrasse de l’hôtel spa au bord de l’eau juste devant le musée, avant de retourner sur Babar.
J’arrivai vers 17h, le temps pour moi de faire le plein, d’installer au pied du mât 4 bandes antidérapantes (marre de manquer me casser la figure durant une prise de ris), de me préparer le repas et de faire le point météo des prochains jours. A priori demain c’est OK pour descendre encore plus au sud genre Palamos ce serait bien puis profiter des régimes de sud prévus mardi et mercredi (assez forts) pour remonter et rentrer à St Cyprien avant la fin de la semaine. Bon, tout ça c’est de la théorie pour l’instant car le régime météo est plutôt instable en ce moment. Le plus important est d’éviter un épisode de tramontane et me retrouver coincé comme un con…
Au moment où j’écris ces lignes, un gros orage passe au dessus du bateaux avec des sauts d’eau, des rafales et des éclairs… Le plus pénible : la température qui a baissé de 10° ! La nuit va être fraîche…