Samedi 4 juillet 2020
Finalement la tempête prévue n’a pas été aussi forte que ça. Il ne reste d’elle qu’une petite brise matinale. Suffisamment pour espérer nous porter tranquillement jusqu’à notre prochaine escale de plus en plus vers le sud, distante de 35 milles d’ici, porto di Traiano. Certainement nommé ainsi sur le site de l’ancien port éponyme de l’empereur Trajan (environ 100 ap JC). Celui ci est considéré comme un des meilleurs empereurs, soldat (qui a participé à l’expansion de l’empire notamment en Orient) et bâtisseur (beaucoup de travaux à Rome ont été réalisés sous son règne).

Au fur et à mesure de notre progression j’aperçois au loin, vers la terre où nous nous dirigeons, de gros nuages menaçants qui annoncent une zone orageuse. Le vent est d’ailleurs brouillon et vient de directions et forces différentes, rendant les manœuvres incessantes. Nous passons parfois de calmes plats à des rafales, avec, toujours, en fond, un peu comme une contrebasse assurant une ligne de fondamentale, une houle, sourde aux assauts du vent, prenant sa source bien plus loin que les caprices du temps du moment. Elle vient de loin, certainement d’un Mistral gagnant ravageant le Golfe du Lion, comme pour me rappeler, par sa variante Tramontane, l’existence de mon Pays Catalan, telle une Ithaque qui me reviendra un jour, mais gare à moi si je l’oublie.

J’essaye de contourner les gros nuages mais ceux ci sont désormais sur nous. Le tonnerre gronde, je vois même des éclairs passer à latéral au dessus du bateau. Il pleut un peu mais c’est surtout sur la terre que l’on voit depuis la mer la grosse pluie arroser cette terre chauffée à blanc. Je décide, par prudence, d’éteindre toute l’électronique du bord. On va naviguer à l’ancienne jusqu’à l’arrivée. Le vent continue de changer de direction en permanence et, en vue de la côte, je dois faire de nombreux virements de bord pour finalement faire du sur place. C’est épuisant et énervant au possible.
Nous arrivons ainsi, fatigués, à Riva di Traiano après une navigation de près de 10 heures à lutter contre des vents contraires. La zone traversée n’était pas vraiment jolie avec une plate-forme pétrolière et de gros tankeurs au mouillage comme seules rencontres en mer. On a vu mieux. J’avoue tout de même entretenir une fascination pour les gros navires de la marine marchande. L’univers a bord si prompt à l’imagination, l’équipage bigarré et les escales propices aux découvertes. Mais je crains que mon imagination ne corresponde pas vraiment à la réalité toute commerciale du quotidien des hommes à bord. Je crois néanmoins que, une fois au large, les marins retrouvent leur condition première d’hommes de mer avec l’incertitude du quotidien de la mer et la rigueur à la conduite d’un navire quel qu’il soit. Et puis admirer un coucher de soleil en mer, depuis la passerelle d’un pétrolier ou le pont d’un petit voilier, reste magique. Je me plais aussi à imaginer le ronron apaisant du moteur, la solitude de la cabine, l’humidité empreinte de rouille de l’atmosphère, les repas souvent de qualité (c’est une tradition qui, je le sais, perdure aujourd’hui) pris en communauté ou en solo au choix. Une fois j’ai souvenir être passé de près dans le sillage d’un tanker, et j’ai senti les odeurs de la cambuse, imagination du large ou réalité, je ne saurais jamais mais la force de l’imaginaire n’est il pas plus intéressant que l’acceptation froide et sans saveur de la réalité.
Le port du soir est à l’image de la navigation du jour : sans intérêt notable. Le port n’est pas cher (35€ la nuit ce qui est unique sur cette côte), le service froid et administratif, les douches… Pas vu car ouvertes et donc publiques. Nous choisissons la douche à même le pont avec le tuyau d’arrosage! A la guerre comme à la guerre. Pour nous remettre les estomacs en place, nous nous préparons un agneau de Cerdagne de chez Bonzom, le meilleur charcutier du monde basé à Saillagouse en Cerdagne dans ma belle Catalunya del Nord. J’apprends d’ailleurs que c’est ce connard de Alliot qui est élu maire de Perpignan. Ce représentant raciste des pieds noirs a pris Perpinya. Je sais qu’il n’aime pas les Catalans, souhaitant, comme tous les pieds noirs, effacer les cultures locales pour imposer la leur. C’est un réflexe de colons. Mais je ne m’inquiète pas trop, le temps fera son office et balayera ces cons a la vue basse. La Catalogne a survécu à bien moins comiques que ces tristes cons.
Sur ce, dodo pour une navigation surprise demain.
Bon à savoir :
Le mouillage à côté de Porto Ercole est d’une excellente tenue, parfait pour étaler un mauvais temps.
Le port de Traiano n’a aucun intérêt si ce n’est le coût faible.
Dimanche 5 juillet
Andiamo! Ma dové ?… Roma !!! La surprise est de taille, surtout pour ma famille italienne que je n’ai pas revu depuis… une éternité. L’émotion est palpable de chaque côté. Pour moi c’est revenir à une époque finie, par un moyen insolite. Nous allons en direction de Ostia, le port de Rome situé à 27 milles. En sortant du port le vent est de 15 noeuds venant du nord est. Nous le recevons par le tribord arrière et allons sous grand voile seule à une belle vitesse. Au bout d’une heure de route, en dépassant un cap, le vent adonne en passant sur le travers bâbord. J’empanne et envoie le foc. Tout à coup, au bout de 30mn, le vent passe brutalement à 30 noeuds. Le bateau part en sur-vitesse. Je me suis fais surprendre. J’enroule le foc avec difficulté et suis obligé de prendre un ris dans la grand voile. J’essaye de me mettre bout au vent. Impossible, le vent est trop fort. Je décide de brancher le moteur. La mer fume tout autour, le bateau va à fond en laissant une traînée digne d’un bateau moteur. J’arrive enfin à prendre un ris et renvoyer la grand voile et le foc permettant ainsi au bateau de naviguer dans de meilleures conditions.

L’endroit est étonnant car derrière le lido de terre, on voit des collines à perte de vue qui laissent le vent se défouler à loisir. Celui ci vient maintenant par à coups. Il tombe à 8 noeuds pendant 10 minutes pour remonter à 20. Un peu fatiguant pour les nerfs mais le bateau et l’équipe tiennent le coup sans problème. Nous sommes partis à 9h et l’arrivée prévue est à 14h avec, au fil de la navigation, un vent mollissant m’obligeant à renvoyer le ris de la grand voile et faire route au près.

La mer se calme aux environs du port et sa couleur est d’un vert émeraude. Il y a beaucoup de voiliers en mer et cette vision contraste avec les conditions de mer rencontrées jusqu’alors. Nous entrons dans l’avant port qui est conçu bizarrement en ovale avec en face une plage à même le port et 2 marina, une a gauche, une à droite. L’ormeggiatore sur son zodiac nous fait patienter et nous dirige sur la panne dédiée. Le port paraît immense avec un nombre incalculable de bateaux. Et là, sur le quai, a nous attendre, qui vois je ? ORFEO! mon cousin que je n’avais pas revu depuis 10 ans. On range rapido le bateau et nous voilà en voiture pour la tournée des grands ducs ! Ce soir ce sera, famille et pasta !!!
les enfants
quel plaisir de lire a nouveau vos aventures, le dernier port si authentique de l’ile d’elbe qui contraste tout de meme avec portoferraoi.
Enfin Giglio avec la gentillesse de ses habitants, je vous félicite de l’aide que vous avez apporté a ces 2 nonna qui vous a permit d’échanger aves elles. C’est ca le respect quand on arrive sur un lieu qui n’est pas le sien.
Ces lieux ou vous nous entrainez nous enchantent nous font rever que c’est beau et émouvant de penser que vous vivez de tels moments.
La navigation vers Roma n’a pas été de tout repos (bravo mon fils pour ton courage et surtout ta maitrise) le courage des matelots est quand meme a souligné car malgré leur confortable cabine ils ont du ressentir les méfaits d’une mer démonté.(nous avons trouvé ou se cache sousou).
Enfin l’arrivée au port et l’accueil d’Orféo, quelle émotion tu a du ressentir mon fils car il représente tant de moments..
Je partage avec toi ce moment.
Tendres bisous de Sylvie et Robert a vous trois
Mes bons souvenirs a toute la famille italienne.
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