Vendredi 9 septembre
C’est une première pour moi. Et comme toutes les premières fois, celle-ci ne déroge pas à la règle, je suis enthousiaste, excité et impatient avec une pointe d’appréhension. J’arrive à la gare Montparnasse qui, petit à petit, supplante ma gare de Lyon comme la porte à la mer. Le temps d’acheter un dîner frugal et me voilà à ma place. Doriane n’a pas pu m’accompagner car elle s’occupe de la couvade de notre Junior ou Juniore ! Il reste encore quatre mois et il serait imprudent qu’elle soit malmenée par la houle de l’Atlantique. Car vous l’avez compris, ce n’est pas une blague… c’est pour naviguer que je rejoins la Bretagne sud. Et pas naviguer sur n’importe lequel des navires ! Sur un RM 1060, le modèle que je lorgne pour peut être, devenir Babar II un jour.
Je suis accueilli directement à la gare de Lorient à 21h par Mathieu, president de la dynamique association des propriétaires de RM https://rm-asso.org/. J’embarque pour le week-end à bord du magnifique voilier de ce très sympathique couple avec Stephanie son épouse. Nous arrivons de nuit au port de Kernével dans la rade de Lorient. C’est marée basse et c’est par une passerelle fortement inclinée que nous arrivons au bateau. L’air de la mer est imprégné de puissantes odeurs marines et l’évocation de l’océan est déjà là, présent dans l’air avec un mélange d’humidité et de ces odeurs caractéristiques qui émanent des voiliers. Car le nombre de voiliers est immense et inversément proportionnel au nombres de bateaux moteurs en Méditerranée ! Je suis sur excité ! Après quelques discussions et visite de ce fameux bateau que j’ai tant étudié virtuellement, il est temps d’aller se coucher. Ma cabine est prête, à l’avant. Je regarde par le hublot la pleine lune briller à travers quelques filets de hauts nuages et j’imagine l’océan à quelques encablures par delà la rade de Lorient. Je ne trouve que difficilement le sommeil, comme un gamin la veille de Noël.
Samedi 10 septembre
Réveil à six heures car une navigation de quarante milles nous attend pour rallier le port de Vannes et rejoindre la flotte des propriétaires de voiliers RM pour le rassemblement annuel de l’association. Et comme nous devons composer avec la marée et les courants, en particulier pour entrer dans le golfe du Morbihan, nous devons partir à six heures trente pétante !


Nous doublons le fameux fort espagnol de Port Louis, l’un des seuls vestiges de la ville, totalement rasée par les bombardements alliés durant la seconde guerre mondiale. Lorient était occupée par les allemands aux premiers jour de l’invasion en août 1940 pour en faire un port à U-boat, les fameux sous marins de la guerre de l’Atlantique ayant coulé nombre de Liberty ship, les bateaux américains destinés aux ravitaillements anglais. Jusqu’à ce que les alliés mettent la main sur le boîtier Enigma qui leur permit de déchiffrer les cables allemands. Et ainsi d’intercepter plus facilement les « loups gris » de l’amiral Doenitz mettant fin à leur hégémonie sur les mers.





Ça y est nous voici en mer. L’océan s’ouvre devant moi. Le vent est faible mais nous envoyons le grand spi pour faire route à la voile. La houle est là, la fameuse respiration de l’océan qui rend la navigation si pénible pour les estomacs. Il y a entre un et deux mètres pour une ondulation de 10 secondes environ. L’aube naissante laisse apparaître au sud ouest les côtes de l’île de Groix. « Qui voit Groix, voit sa croix » dit le dicton marin. Aujourd’hui, point de croix à l’horizon, mais de gros nuages sur la haute mer, derniers stigmates de la grosse tempête qui a sévit depuis plusieurs jours sur l’atlantique nord.



Au bout d’une vingtaine de milles nous arrivons dans les parages du fameux feu de la Teignouse, lieu de courants violents et contraires. Tout à coup, j’entends par babord un grondement intense, une vague d’une très grande hauteur, que j’estime à minimum cinq mètres, brise sur la chaussée de la Teignouse. Cela donne un aperçu de la houle qui, une fois arrivée sur les hauts fonds, brise avec une forte cambrure.
Le vent est totalement tombé et c’est au moteur que nous entrons dans la baie de Quiberon. Le site est à la hauteur de sa réputation, d’une grande beauté, ourlé d’une côte diverse de plages, de pins, de roches couvertes et découvertes au gré des marée, et au large, l’île de Houat, celle de Hoedic ou encore Belle île.


Nous retrouvons une partie de la flotte colorée des RM venue pour le rassemblement. Plusieurs unités sont représentées, du RM900 au RM 1200.
Nous nous présentons enfin devant l’entrée du golfe du Morbihan, pile à l’heure de la bascule de marée au moment du flot, par courant favorable. Nous laissons à babord, l’îlot de Meaban et la cardinale Est de Bagen Hir puis à tribord le petit port de Navalo. Ça y est nous sommes dans la marmite bouillonnante ! Nous sommes à plus de dix nœuds, sur un véritable tapis roulant qui porte tous les bateaux de façon assez coquasse, tout le monde avançant en crabe à forte vitesse. Il est encore tôt pour se présenter devant le port de Vannes dans de bonnes conditions. Nous décidons tous de mouiller devant une plage de l’île d’Artz. Ah le bonheur d’un guindeau électrique !



17h30, il est temps de lever l’ancre pour rejoindre le port. Le parcours très bien balisé est d’un enchantement total. Des petites îles, parfois surmontées d’une belle maison, des plages ombragées de pins, des demeures bourgeoises de grande famille, des voiliers et encore des voiliers, de toutes tailles, de toute marque… un vrai paradis pour ceux qui vibrent par la mer.






Le port de Vannes, quant à lui, est bizarrement conçu. C’est un canal qui peut accueillir des bateaux le long d’un ponton contre le rivage. Nous nous mettons tous à couple devant la capitainerie. Quatorze RM multicolores collés les uns les autres est un joli spectacle qui attire les badauds. Après un apéritif sur le ponton, cap au resto. Nous retournons ensuite au bateau, je suis crevé et du sel plein la tête !
Dimanche 11 septembre
Je n’ai pas réussi à bien dormir et c’est la tête lourde que je me lève à 7h pour aller prendre une douche à la capitainerie. Par pénurie d’eau, il n’y a qu’un mince filet qui coule. Quelle drôle d’époque nous vivons. Avec de telles perspectives, je m’étonne que les gens ne deviennent pas encore tous fous, hélas, je crains que cela n’arrive tôt ou tard.



9 heures, il est temps d’appareiller tous de concert. Rapidement, le vent nous permet d’établir la voilure dès la sortie du port et de négocier les courants du golfe à la voile ! Aujourd’hui le temps est quasiment Méditerranéen et je peux apprécier sous un autre angle le golfe du Morbihan. Notre équipée se tire la bourre dans le jus mais nous sommes en tête à la sortie du golfe ! Je suis à la barre et peux apprécier sa souplesse, chose étonnante pour un bateau si imposant par rapport à Babar. Je mets le cap sur la Teignouse sur ordre du Capitaine. La houle s’est fortement amortie depuis la veille et, au passage de la Teignouse, le vent que nous recevions alors par le bon plein nous prend désormais par le grand largue. Nous établissons les voiles en oreilles d’éléphants pour conserver une vitesse somme toute honorable de quatre nœuds alors que le vent ne s’exprime que de cinq à six.
Il fait chaud et nous vaquons chacun à ses occupations. Mathieu a tiré une ligne et attrapé deux jolis maquereaux. Nous apercevons même quatre jolis petit dauphins qui nous croisent à bonne distance, trop occupés à chercher leur déjeuner.





La navigation jusqu’à Lorient se passe paisiblement par vent faible mais suffisant pour nous porter.
Nous sommes de retour au port, le temps de ranger le bateau et me voici déjà, en ce dimanche soir à 19h30, de retour à la gare pour mettre un joli point final à ce week-end découverte de l’océan. Je suis enchanté et enthousiaste pour ce nouveau terrain d’exploration pour moi. Affaire à suivre… car c’est encore et toujours l’ère de Babar premier !

