Jeudi 26 mai
Réveil sympathique au mouillage. Le temps semblait encore bien maussade et surtout un vent du nord répondait présent au son dans le gréement. Un coup d’oeil par le hublot. C’est confirmé par mon pavillon catalan qui arbore fièrement ses couleurs. Ah tiens pour l’anecdote, je n’ai pas de pavillon français à bord. C’est un choix, un acte militant de ma part. Car je ne reconnais pas de patrie administrative à Babar. C’est un apatride dont la destinée est de voguer au gré de ses envies et si ça ne revient pas à quelqu’un et bien j’ai une petite idée de l’endroit où je l’inviterais d’aller. Je lui ai donc donné une patrie de coeur : la Catalogne. Et ce sont les seules couleurs que je tolère à bord.
Dès 9h30 le proprio du bateau qui s’était cogné à Karma la veille est venu me voir pour me demander mon témoignage ce que je n’acceptais pas évidemment. L’affaire allait se régler de gré à gré entre lui et l’organisateur du mouillage. Nous décidâmes de partir à 10h pour une navigation de retour pleine de promesse.
La météo indiquait des conditions très cool avec un léger 15 à 17 noeuds de sud est se levant l’après midi. Que des coquins ces météorologues qui ont, eux aussi, abandonné l’analyse humaine pour laisser leur savoir faire à des algorithmes. Car nous verrons qu’une fois de plus ils se sont lourdement plantés.
En sortant de la baie de Port Lligat, une belle surprise nous attendait. 3 dauphins (2 adultes et 1 petit) devant nos 2 bateaux à Véro et moi (oui c’est elle qui les a vu en premier… mais c’est grâce à mon magnétisme légendaire envers les animaux !! Oui je peux le prouver !! :-)).
Mais ici point de jeux à l’étrave, les dauphins semblaient bien occupés et nous ont cordialement ignoré !
Je glissais doucement devant le Cap de Creus qu’il faut savourer à doubler aussi tranquillement.
Le vent est passé légèrement de nord ouest à plein nord m’obligeant à tirer un bord à l’est de la pointe du cap pour longer les magnifique criques du nord du cap. Je vis de loin la crique des secrets riche en souvenirs (la personne à laquelle je fais référence se reconnaîtra…).
Le temps passait paisiblement, le vent oscillait entre 3 et 7 noeuds et pour autant je glissais moi autour des 3 à parfois 4 voire même 5 lors de certaines adonnantes.
J’ai croisé encore quelques éternels mola mola que l’on ne voit pas sur la photo que j’ai essayé de prendre. Mais tant pis je la mets quand même ça donne une idée du lac sur lequel je naviguais.
Car c’est bien un lac magnifique qui se présentait devant l’étrave du bateau. Le moment était comme suspendu de voir le bateau glisser fendant le miroir de sa proue. J’allais de suite à l’avant pour profiter de ce moment d’émotion rare. Je scrutais la surface à la recherche de quelques animaux remontant des abysses. Je comprends l’inquiétude des anciens marins qui imaginaient le fond des mers peuplé de créatures fantastiques. Ici point d’inquiétude mais plutôt de la quiétude.
Je jouais avec le vent qui tantôt adonnait tantôt refusait me forçant sans cesse à régler le bateau pour optimiser sa route. Naviguer par petit temps est un art d’esthète à la recherche du petit réglage qui fait tout.
Je profitais de ce moment pour me faire une bonne salade avec des tomates, des avocats, des crevettes, des olives, du citron. Puis un petit café pris à l’avant du bateau pour admirer la vue sur la côte Vermeille qui se profilait. J’adore ce coin que je connais comme ma poche. C’est un endroit splendide où les Pyrénées font le trait d’union entre l’océan et la Méditerranée. Les montagnes plongent dans la mer avec parfois de la douceur (la baie de Paulilles), parfois avec violence (le cap de Cerbère). Les tons varient entre les baies boisées de pins (comme la cala del Garbet près de Colera) ou les criques sauvages et austères (comme les petites criques du cap de l’Abeille dans la réserve de Banyuls).
Le vent passa à plein est. L’allure idéale pour lancer mon gennaker vert pomme. Un bon coup d’accélérateur pour Babar qui passait d’un coup de 3 à près de 6 noeuds.
Je me faisais bien plaisir à laisser le pilote faire sa route et moi aux écoutes du gennaker à optimiser le réglage.
En navigation je passe beaucoup de temps à régler le bateau et à observer la mer, certes pour admirer le paysage, mais aussi pour anticiper des changements de temps. Et là je fus bien inspiré car je vis au loin des moutons venant du sud est…
Ni une ni deux je pris la décision d’affaler le gennaker pour passer au génois.
Le vent arriva d’un coup passant de 5 à 12 noeuds. Et ça allait monter progressivement.
Passant plein vent arrière, je mis les voiles en ciseaux pour conserver mon cap droit sur St Cyprien. La manoeuvre est simple mais délicate par vent fort. Il faut faire passer le génois à contre et le tangonnner en étarquant le hâle bas de spi, puis choquer largement l’écoute de grand voile. On se retrouve ainsi avec 2 oreilles d’éléphant. L’allure est confortable car le bateau roule sur sa route dans le sens du vent et des vagues.
En arrivant devant le cap Béar, le vent montait encore et la mer se mit à générer de grosses vagues.
Petit à petit ce fut un peu la pagaille et je décidais dans une manoeuvre là aussi délicate d’enrouler le génois avec son tangon et éviter de partir au lof car je vous dis pas le bordel dans ce cas avec la GV débridée et le génois à contre. Mais tout se passa bien.
Ça allait très vite désormais car en arrivant devant Collioure je me retrouvais vent de travers qui frisaient les 28 noeuds. J’allais comme une balle tutoyant largement les 11 noeuds.
En arrivant devant le port, la mer était vraiment chaotique. J’appréhendais la manoeuvre pour affaler la GV. Dois je affaler en mer ou dans l’avant port pour garder de la puissance et passer la barre des vagues de port ? Avec ce vent fort en solo je ne me voyais pas entrer dans le port à la voile, je pris la décision d’affaler en mer. Je mis le bateau bout au vent. Le bateau tanguait très fort et j’affalais la GV en bordel mais tant pis. Je repris le cap sur l’entrée du port avec près de 3000 tours / minute au moteur.
Ouf ça y est c’est passé.
A l’arrivée à ma place j’avançais péniblement en marche arrière avec des rafales à 32 noeuds.
Merci beaucoup les algorithmes de la météo !
Ça y est c’est fini, les vacances prennent fin sur un bilan excellent tant pour les moments passés que pour les performances de Babar qui n’aura fait que de la voile et bu très très peu de gasoil !
Sur ce dernier post, je n’ai pas fait de photo et m’en excuse. Vous connaissez la raison ? J’ai oublié… trop hypnotisé par la navigation tranquille du début et trop préoccupé par les conditions météo à la fin.
Suite au prochain épisode.
Merci lolo, on s’y croirait!
C’est cette meteo parfois chaotique qui nous offre des criques desertes dans ces paysages somptueux!
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