Mardi 19 juillet – mercredi 20 juillet
Senteurs de pin, de Soleil, d’iode… Mon réveil fut doucement bercé et agréable dans ce lieu paisible. Une sorte de pays des lotophages. Tout est cool, vous croisez un riche habillé en rastacouère, une riche en mode néobab détendue (alors que si vous la croisez à Neuilly, elle va vous snober en tailleur Chanel). J’avais envie de me casser rapido pour reprendre la mer (dans quelle position ?). Ce que je fis à 12h30 pétantes. Destination Porquerolles. La famille « chat » (c’est ainsi que je les appelle car ils sont accompagnés d’un chat marin…) allaient au mouillage des Embiez piquer une tête. Moi je voulais profiter d’un excellent vent d’ouest pour avancer. L’idée était de se retrouver à Porquerolles pour faire le point météo et décider du meilleur moment pour traverser.

Une fois sorti de la baie, il m’arriva un événement atroce. J’étais sous pilote, tribord amure (donc roi de mers et prioritaire) au travers à 7 noeuds. C’est alors que, masqué par mon génois, passa devant mon étrave, à max 1m, un voilier Sunrise34 au près serré bâbord amure. Je manquais de l’éperonner d’un cheveu. J’étais prioritaire certes, mais cela n’affranchit pas d’une veille. Je me mis à hurler envers le skipper que j’allais venir le tuer à sa prochaine escale. Le pauvre bougre prit peur… Le coup de stress je vous raconte pas ! Horrible. Mais, comme m’a dit Seb peu après « avertissement sans frais ».
Il faut dire que la zone du Var est infestée de bateaux. La prudence est de mise, car nous l’avons vu, y’a pas que des Tabarly dans le coin..

En doublant le cap Sicié, un coup d’œil au dernier bulletin météo des prochains jours me poussa à prendre une décision audacieuse : je ne vais pas m’arrêter à Porquerolles (en plus j’aime pas le spot, trop de monde trop de beaufs), je continue tout droit pour profiter de ce vent direction la Corse !
Un point radio avec Seb qui ne fut pas difficile à convaincre et je mis le cap au 100 degré. En doublant au large de Porquerolles et en prévision de la traversée je dus affaler mon génois pour le remplacer par mon foc, plus maniable en cas de temps dur. La manœuvre, par vent soutenu de Force 5 fut difficile. Je mis 45 mn pour affaler et endrailler la nouvelle voile.
La traversée s’annonçait à la voile sous Force 4, le paradis ! Bien entendu, une sourde angoisse me tenaillait car je savais d’expérience que naviguer seul sous voile la nuit pendant près de 30 heures sous entendait de ne pas trop dormir surtout sur cette route très fréquentée.
Mais l’angoisse laissa rapidement la place à l’exaltation de traverser la mer à la voile, à un rythme équivalent à celui qui a dicté les déplacements des hommes depuis l’Antiquité et dont l’ère moderne a balayé les repères. C’est un privilège, une expérience que l’argent ne peut pas acheter. Oh bien sur qu’il faut de la caillasse pour avoir et entretenir un petit voilier mais finalement pas plus que de se payer des vacances aux sports d’hiver, à la mer l’été… Abrahamovic ou Sarkozy à bord du yacht de son pote Bolloré ne pourront jamais connaître cela. Car naviguer à la voile est un acte de fiançailles avec la mer. C’est accepter la nature dans ce qu’elle a de plus sauvage : l’incertitude de sa violence. C’est aussi laisser la part belle au temps qui passe, aux astres qui se succèdent. C’est attendre l’apparition d’une baleine et ne jamais la voir, pour le jour où elle apparaitra être submergé d’émotion. Rien à voir avec les promènes couillons qui payent pour aller à leur rencontre.

La nuit arriva finalement assez vite, j’allais parfois à plus de 6 noeuds sous 15 noeuds de vent. Pour ne pas faire faseyer mon foc j’étais obligé de prendre un cap de 20 degrés au-delà de la route. Mais peu importe l’essentiel c’est le plaisir. La mer était formée mais jamais je ne me suis sentis en insécurité avec Babar qui épousait la mer en père peinard. Faut dire qu’il en a vu d’autres le bougre.

Je pénétrai dans le fameux Sanctuaire, l’endroit où l’on trouve le plus de cétacés en Méditerranée occidentale. C’est le lendemain que je vis, grâce à Sophie du bateau Margot qui me la signala par VHF, les jets d’une baleine. À part ça j’avoue une petite déception car je n’ai rien croisé d’autre. Juste un petit dauphin qui est venu à ma rencontre, m’a salué, a joué un peu à l’étrave et est repartit aussi sec.
Revenons à la nav. Vers 21h30, je fis comme Margot et allai prendre un ris dans ma grand voile pour la nuit en prévision d’un renforcement des conditions. Manoeuvre habituelle, bout au vent par 20 noeuds de vent apparent et près de 2m de creux… Funcky ! L’opération faite je repris ma route en abattant. Et là je vis que la bosse de ris s’était prise dans le crochet de la gaffe qui est à poste dans ma bôme pour être utilisée en urgence. Je dus pendant 20mn scier la gaffe pour libérer le bout de la bosse de ris sous tension. Et merde pour la gaffe, ça faisait un moment qu’elle m’énervait à cet emplacement. Bon y’a plus doux comme méthode mais parfois couper net ça fait du bien.
Vers minuit, le temps se rafraichit passablement et m’obligea à quitter ma tenue estivale pour l’ensemble salopette et ciré. Ambiance.
Minuit, 1 heure, 2 heure… Les heures se succédaient sous le clair de lune. Quelle chance, du vent portant et la pleine lune où l’on voit comme en plein jour. Je me rappelle de navigations pour les Baléares par nuit noire, c’est un autre délire que d’avancer devant un mur noir et se croire enfermé dehors. C’est peut être ce qui m’attend pour le retour… Brrrr.
Vers les 3 heures, un gros coup de pompe se fit sentir. Je rentrais dans ma cabine, m’allongeais, mis ma minuterie de cuisine sur 10mn et essayais de piquer un petit roupillon. Pas concluant car pas assez fatigué.
C’est alors que vers 5h apparut au loin la montagne Corse ! Incroyable, à 53milles (100 km) elle est là. Et le plus beau c’est qu’au même moment à l’opposé, je vis les Alpes ! Qui peut s’enorgueillir d’avoir vu la Corse et les Alpes au même moment ?
Vu d’ici, les identités nationalistes sont peu de chose et peut être un peu dérisoires. Et c’est moi le Catalan qui parle. Ici point de Catalan, de Corse ou de français… Juste la nature. Ça fait un peu Moitessier à la con comme délire mais c’est le sentiment que j’ai éprouvé à ce moment. Peut être la fatigue et le manque de sommeil.

Il est 8h, la Corse est de plus en plus là. C’est le plus rigolo, entre le moment où on la voit et où on arrive il s’écoule (en voilier) 12h ! De quoi rendre dingue un parisien pressé, mais ce rythme permet surtout d’apprécier comme les anciens cette magnifique île.
La fatigue commença à devenir pesante malgré le solide petit dej pris à 7h et les vacations par VHF avec l’équipage de Margot. Je m’octroyai une micro sieste de 10mn qui fut si intense que ma minuterie me fit sursauter et cogner la tête au plafond. Étonnant, car cette sieste profonde me redonna une once de pêche. Après cela je pris un nouveau rythme avec lectures, bronzing, stretching, gainage…
Des photos de Babar pris depuis Margot à l’approche de la Corse.

Vers 15h je m’approchai du cap de la Revelatta pour le doubler par plus de 7 noeuds grâce au vent qui avait fraichit. Puis j’arrivai dans la baie de Calvi pour prendre une bouée de mouillage à 16h30.
Je rangeai le bateau, gonflai l’annexe puis piquai une tête salvatrice dans une eau transparente mais étonnamment fraîche. J’entends encore tout le monde me dire tu vas voir en Corse l’eau est à 27 degrés ??? Ils se sont vraiment baignés dans une eau à 27 ? Moi oui, à Formentera. Je profitai de cette baignade pour me faire ma première « douche de mer » des vacances ! Comment ça marche ? Un 1er plouf pour se mouiller, remonter sur le bateau pour se passer du gel douche spécial et non agressif pour la mer, re-plouf pour se rincer puis remonter sur le bateau pour rinçage à l’eau douce. On se retrouve lavé et avec la peau douce comme jamais en ville !
Je mis pied à terre avec l’équipage de Margot pour une balade en mode « walking dead » totalement zombifié après la binouze rituelique au port. Je retournai au bateau pour divaguer un dernier coup et sombrer comme le Titanic à 21h pile. Hors service total mais la tête pleine de souvenirs et de moments forts que le temps va maintenant patiner et cristaliser pour en extraire de l’expérience et des acquis de vie.
mon fils magnifique …que de moments magiques et tellement émouvants pour moi te sachant dans cet univers étranger et a priori hostile mais pas tant que ça comme tu le dis si bien c’est la nature tellement loin de tout les petits calculs du commun des mortels tu as beaucoup de chance et énormément de mérite de pouvoir accéder a cet univers tu t’ en ai donné les moyens tout seul et c’est la ton mérite et ce privilège profite en et régale toi biz
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