Vendredi 29 juillet
La nuit fut paisible mais un peu houleuse. Ce n’est jamais facile de trouver un mouillage parfaitement calme.
La navigation de 25 milles entre Capraia et Portoferraio sur l’île d’Elbe se déroula sur un lac sans vent sous une chaleur de plomb. Les quelques zones d’ombre sur le bateau ne suffisaient pas à nous apaiser de cette fournaise. Toujours aucun signe de vie sous marine, comme si les mammifères marins avaient déserté toute cette zone. J’espère que ce n’est du qu’à pas chance car sinon c’est une catastrophe.
L’île d’Elbe apparut progressivement de la brume de chaleur pour nous offrir une côte très boisée et très différente de la Corse avec beaucoup de pins et quelques belles villas typiquement italiennes disséminées ça et là sur les coteaux en pente en direction de la mer. L’île est couverte d’arbres, de pins, d’eucalyptus, de cèdres, d’oliviers, de citronniers…
En arrivant à Portoferraio le port principal et la plus vieille ville de l’île, tout faisait enfin penser à l’Italie : les façades colorées et ocres, une certaine langueur dans les ruelles, la beauté des gens, l’Histoire omniprésente avec des monuments et sites remarquables, les cafés au bord du quai… J’étais empli d’une joie énorme et d’une grande excitation comme si je rentrais au pays.
L’ormeggiatorre nous octroya une place dans la zone Est du port qui ressemble un peu au vieux port de Marseille de l’époque : un grand rectangle avec les bateaux amarrés au cul sur pendilles. Ce qui nous frappa : le port était quasi vide ??? Tombé amoureux dès l’entrée au port je demandai à l’ormeggiatorre si nous pouvions rester une nuit de plus ce qu’il me refusa m’indiquant que les réservations étaient complètes pour le week end…
Une petite halte à la capitainerie pour payer l’escale nous fit l’effet d’une petite douche avant l’heure… 83€ la nuit ! Jamais payé aussi cher. Ceci dit le site est si beau que je ne regrettai pas le tarif.
Par la suite, nous partîmes en excursion dans cette charmante petite ville aux petites places ombragées et aux cafés qui sentent bon le ristretto.
Une visite de la maison de résidence de Napoléon s’imposa. Elle est située sur les hauteurs de la ville et jouit d’une vue imprenable sur les montagnes et la côte sauvage de l’île d’Elbe. L’intérieur est de style début XIXe siècle avec ses petites pièces en enfilades et, à l’étage, un grand salon de réception. Le mobilier est sobre car Napoléon durant son retour en France lors des 100 jours avait tout emporté avec lui. Le jardin de la villa est charmant et reposant. Sincèrement je ne comprends pas pourquoi il a quitté ce paradis. Mais quand on a gouté au pouvoir il parait que celui-ci sans cesse vous tourmente. Les Anglais avaient finalement fait une faveur à Napoléon en lui octroyant cette île magnifique dont il fut un bon administrateur en modernisant ses infrastructures. Mais comme toujours le destin vous donne rarement une 2e chance et Bonaparte l’a appris à ses dépends. À son retour d’exil, il repris le pouvoir avec la fin que l’on connait. Encore des guerres et des morts, puis un désastre Waterloo et enfin un exil définitif mais celui ci beaucoup moins cool et « Dolce Vita » que Elbe… Au fin fond de l’Atlantique Sud sur une île perdue et hostile battue par les vents.




Par la suite nous flanions dans les ruelles à la recherche d’un resto pour le soir. Nous jettions notre dévolu sur un petit resto en hauteur avec des tables sur une piazzetta, le bistro del teatro.
Un petit apéro de vino bianco Elba (très bon mais choisir le DOC denominazione di origine controlata. Le must étant le DOCG – i garantita dont bénéficie uniquement un vin vieux de type Banyuls) dans un bistrot du port nous permit d’apprécier le manège des yachts du port qui revenaient tous de journées passées dans les criques. Voici donc la raison de l’impression de vide quand nous sommes arrivés. Mention spéciale pour le yacht « Lux » ( en toute simplicité !) avec la famille d’un riche industriel florentin (c’est ainsi que je me plus à l’imaginer) qui trônait en bon pater familia avec son petit fils dans les bras en donnant des ordres à l’équipage. Son fils était habillé d’une tenue que j’identifiai comme le dernier cri de la mode Toscane : pantalon rayé blanc et noir légèrement remonté au dessus des chevilles, chaussures rouges sans chaussettes, chemise en lin et surtout une grande nonchalence typique du riche qui la joue détente !
Vers 20h30 direction le resto où je pris en primo piatto des tagliatelles à l’araignée de mer suivi d’un secundo piatto de fritto misto (poissons et fruits de mer fris) et enfin un dessert typique qui ressemblait à une sorte de buynete légère et fine avec des pignons et du citron… Miam miam !
La soirée fut consacrée à une balade sur les quais pour constater que le calme et l’impression de vide de la journée avait laissé la place à une grande frénésie autour des yachts et des bistros du quai. Je suis amoureux de l’Italie !
Cette île est magique et, c’est à souligner, totalement vide de français ! Enfin ! D’ailleurs personne ne parle français et c’est très bien ainsi. Les raisons : les français qui louent un bateau en Corse n’ont pas envie de se taper près de 50 milles de navigation, souvent ont l’esprit grégaire et n’aiment pas trop sortir des sentiers battus, quant à ceux qui vont en Toscane, c’est souvent pour visiter Florence etc. Restent les fous comme nous qui faisons des centaines de km pour atterrir ici !
Mais chut… Il ne faut pas trop dire de bien de cette île, ils pourraient débarquer…
A noter :
– tarif de l’escale : 83€ (douches non comprises. Il faut aller aux douches de la ville et payer 2,5€ par personne. Elles sont propres et bien entretenue)
– le lendemain il faut partir à 10h, ils sont assez pointilleux surtout le week end.
– le resto le bistro del teatro est très bien et raisonnable : 50€ pour 2 plats, un dessert et un verre de vin doux, une bouteille de vin.