Lundi 8 et mardi 9 août
J’ai très mal dormi… La faute à cette houle… Encore ! À peine réveillé à 6h30 (encore aurait il fallut que je dorme vraiment !), je décidai de lever l’ancre, quitter ce parking à bateaux et aller prendre mon petit dej au large !
Lever par 13m de fond une ancre de 12 kg avec 25m de chaîne de 1.5kg/m est un bon exercice le matin, à peine réveillé ! Tout en faisant attention à ne pas se tamponner avec les bateaux autour ! Et le tout, dois je le rappeler, tout seul ! Bref ça fait chier mais il fallait le faire.
À peine sorti de la crique je mis en marche lente cap vers Porquerolles pendant que je preparai mon petit déjeuner. Jus d’orange frais, abricots, pains au lait au miel de maquis, yaourt de brebis, thé vert. Mon régime le matin depuis quelques semaines. Quel bonheur de savourer cet instant en longeant doucement sur une mer d’huile l’île de Port Cros qui est définitivement plus belle depuis cette perspective.
Je décidai de passer entre les 2 îles pour piquer au large à la recherche d’un peu de vent. Passé la pointe des Gabians de Porquerolles j’accrochai un peu de vent de sud-sud-ouest qui ne me quitta plus de la journée. Bâbord amure, je mis le gennaker jusqu’aux parages du cap Sicié où le vent refusa passant plus ouest. Peut être à cause de la fatigue, je loupai complètement la manoeuvre d’affalage du gennaker en larguant en grand le bout dehors et la drisse ! Résultat, celui-ci tomba entièrement à la mer forçant sur la tête de mât. Rapidement je mis en panne avec la GV pour rattraper la voile. Quel bordel ! Je dus faire sécher le gennaker dans le cockpit pendant 2h en vrac avant de le ranger dans son sac… Bon, ça arrive aux meilleurs !
Je naviguai ainsi au près serré jusqu’à ma prochaine destination. Je choisis La Ciotat pour me mettre à l’abri du coup de vent de mistral prévu pour les 3 jours à venir. Le port n’est pas cher, l’accueil est de qualité et en prime le port est joli du type méditerranéen à l’ancienne.
Passé le cap Sicié je mis une ligne sans grand espoir d’attraper quelque chose mais ça m’occupait un peu.
J’arrivai sur zone vers 17h après une belle journée à la voile.

La capitainerie me confirma avoir de la place au vieux port. Excellent ! Jusqu’à présent j’étais allé à la marina lors de ma première escale (avec mon ancien bateau Marsouin) qui n’a évidemment pas le charme de l’ancien. Je m’installai sur le quai d’escale devant la capitainerie.

La Ciotat est l’exemple parfait d’un port ayant transformé son modèle économique pour s’adapter à l’évolution de l’économie mondiale. Depuis le XVIIe siècle, de nombreux chantiers navals ont créé un véritable poumon économique de la ville. Et ce, jusqu’aux années 80 date de leur fermeture, due à la crise de l’industrie navale.
Au début des années 2000, la ville prit la décision d’exploiter les immenses infrastructures encore présentes pour se lancer dans l’entretien des yachts de la haute plaisance. Pari gagné ! Il suffit de voir les immenses yachts en carène pour comprendre.
A noter que la Ciotat a bénéficié d’une immigration haut de gamme au XVIe siècle avec l’arrivée de d’aristocrates génois fuyant des jacqueries populaires. Nul doute que c’est cet apport qui a participé à la création des grands chantiers navals du siècle suivant.
Il parait aussi que c’est ici qu’aurait été inventée la pétanque !
Mardi matin j’allais explorer un peu plus ce si pittoresque port. J’adore cet environnement de marine industrielle. Ça sent bon la rouille, le mazout, la mer, le poisson, le dur labeur des hommes, la crasse et la sueur… tout participe à la création d’une sorte de décadence contrôlée érigée en art de vivre. On retrouve cette ambiance dans un autre registre à Sète dans le port de pêche et sur les docks de commerce, à Port Vendres sur les docks… Ne manquent que les bars de marins où tout pouvait arriver, le pire comme le meilleur, où un coup du destin pouvait changer la vie d’un homme. Contrairement à aujourd’hui, on pouvait encore tailler sa route sans diplôme et créer sa légende personnelle en ayant une forte envie de travailler, un peu de courage, de loyauté et de soif d’aventures. Rien de tout cela n’existe plus aujourd’hui. Je me plais à imaginer que c’était l’ambiance des ports d’antan de St Nazaire (Atlantique pas celui à côté de Canet Roussillon !) à Djibouti, de Port Saïd à Marseille ou de Singapour à Hambourg que mes lectures de Corto Maltese, de Tintin ou de Tramp ont participé à créer dans mon esprit. Est ce que l’on n’a pas perdu le rêve et la magie de l’aventure aujourd’hui en rendant tout accessible ou convenu ? Sincèrement c’est pour cela que je navigue sur un voilier, pour essayer de retrouver tout ça. Modestement, à ma mesure.
J’ai discuté sur le ponton avec un gars d’environ 60 ans à la peau tannée par le soleil. Il semblait assez fasciné que je puisse prendre la mer sur un bateau comme le mien. « Ou lala ça doit aller vite ça ! C’est de la vraie voile ! » (avec un magnifique accent provençal). Au fil de la discussion où je le laissais plutôt parler il m’apprit qu’il était marin pêcheur mis à la retraite à 55 ans après une longue vie de travail dur. Il était proprio de son 7e bateau. Pour une fois, il a voulu acheter un voilier car c’est le seul qui ne sentait pas le mazout à l’intérieur comme il disait. Certainement pas une odeur qui lui rappelait de bons souvenirs. Magnifique décalage, moi le rêveur un peu idéaliste fasciné par les évocations de cette odeur et lui, arguant qu’un bateau qui ne sent pas le mazout signifie qu’il est en bon état de naviguer ! Il a quand même mis 1 an à le remettre en état. Je suis fasciné par l’énergie qui lui a certainement fallu pour effectuer ce travail. Il m’avoua ne pas trop naviguer à la voile avec son ketch pour le moment le temps pour lui de réviser le gréement. Je ne voulais pas le mettre dans l’embarras en lui disant que le plus important était le plaisir d’être en mer. D’autant que ce type d’homme a plus à m’apprendre que l’inverse !

Être à la Ciotat et ne pas aller à la calanque de Figuerolles, c’est comme aller à Marseille sans voir Sugiton ! Je me pris une citronnade maison au bistrot sur les hauteurs de la crique pour profiter de la vue sur les nombreux bidochons présents. La roche est étrange, comme si l’érosion avait sculpté du nutella ! C’est la même roche que le cap du bec de l’aigle. Il s’agit de puddingue (oui oui ça vient du pudding), conglomérat de galets liés par une sorte de ciment naturel.
Tranquilou à siroter ma citronnade, j’observai le large avec le mistral qui commençait son office à rabotter la mer. Déjà j’avais envie de repartir. Le promène couillons de service venait d’entrer dans la calanque avec hauts parleurs du speaker présentant le site (je vois pas bien ce qu’il peut leur raconter… J’ai juste entendu « pour les vagues ne vous inquiétez pas » :-)) et photographes sur le pont. Il resta 2mn puis reparti en mer qui commençait à bien se former. Quelle devait être la proportion de gens vomissant à bord…
À noter :
– on peut réserver sa place en téléphonant auparavant. Ne pas s’en priver car le port peut être assez demandé en été.
– tarif (pour Babar) : 23€ la nuit ! Les sanitaires sont très bien entretenus.
– privilégier le Vieux port plus charmant que la marina certes plus moderne.
– le quai d’accueil n’est pas extrêmement bien protégé du mistral. Essayer de demander une place vacante dans l’espace des pontons d’un proprio parti en croisière.
– il y a 2 petites poissonneries rue des Poilus derrière l’église Notre Dame de l’Assomption. Attention Elle ne sont ouvertes que le matin.