Lundi 17 juillet
Lever d’ancre depuis la cala Castell vers 10h dans la quiétude habituelle d’une crique méditerranéenne.

Malgré cette langueur je ne m’étais jamais aussi mal préparé pour traverser. Excès de confiance, abattement des tuiles des derniers jours, ras le bol de la solitude ? Un peu tout ça…
Nous partîmes néanmoins de concert la fleur au fusil sans même avoir réellement étudier la météo. Le début de la navigation fut un enchantement avec un vent sympa de Sud Est au près. Je croisai même la route de tortues de mer Caouanne à 2 reprises. Ces rencontres sont magiques et laissent un espoir à l’amélioration de l’état de ma Méditerranée.


Le vent, quant à lui, était bien présent et nous forçait à piquer un peu plus au sud ouest direction Majorque. Vers le début de la soirée le vent fraîchissait force 4 alors qu’il restait 80 milles à parcourir. La mer grossissait au fur et à mesure que le vent augmentait. Impossible de me faire un dîner chaud dans ces conditions. Je me contentai de biscuits et de bananes.
Vers 1h du matin, sous nuit noire alors qu’il restait encore 55 milles et qu’un dernier quartier de lune rouge faisait son apprition timide, le chaos s’installait durablement. Le vent était maintenant calé entre 20 et 25 noeuds et la mer acérée de pointes agressives. Le paysage respirait l’hostilité. Babar chevauchait de plus belle avec une gîte sévère mais jamais dangereuse. Il allait à vitesse soutenue et sautait parfois par dessus les vagues dans un vacarme assourdissant.
Le vent nous avait obligé à piquer à l’Est et nous refusait obstinément l’accès à Minorque. N’en pouvant plus et redoutant une montée en puissance de ces conditions à l’approche du Golfe du Lion, nous décidâmes de virer de bord direction Majorque.
J’étais de plus en plus épuisé sujet à un mal de mer tenace et blottis au fond du cockpit laissant à mon fidèle pilote le soin d’affronter ces conditions. Le bateau avançait comme un bobsleigh à plus de 7 nœuds en sautant de vagues en vagues. C’était impressionnant et fascinant. De temps en temps je m’essayai à m’assoupir un peu. Au bout de 30 secondes j’arrivai à rêver…
Le manège dura encore longtemps jusqu’à arriver vers 13h sous le vent de Majorque où tout s’apaisa en un instant.
Moment de douceur magique avec la visite d’un troupeau de dauphins venus à ma rencontre comme pour me récompenser de 24h de souffrances.
J’arrivai à Soller 30h après le départ. Je mouillai l’ancre, plongeai dans une eau à 25° et partis au pays des songes…