La der de 2018

Dimanche 4 novembre

Temps maussade aujourd’hui. Mais il m’en faut plus pour ne pas enfiler mon ciré et partir chevaucher mon fidèle Babar. En 2 temps 3 mouvements me voici sur l’eau. Pas de vent, mer houleuse… Bref des conditions comment dire ? De merde !

C’est pas grave je vais attendre que Eole se réveille un peu. En attendant je rêvasse, lis, peaufine mes réglages. Je repense à ma journée d’hier… Qui fut très agréable avec une balade dans Perpinyà en mode reportage photo et ensuite l’après midi, la visite du célèbre Belem stationné en hivernage à Port Vendres. Le navire de 120 ans reste superbe avec un équipage à ses petits oignons. Ses bois sont bien entretenus et ses cuivres rutilants. Je discutai avec un matelot pendant un long moment.

Celui ci m’apprit que tenir la barre d’un tel navire n’avait rien d’une sinécure. Il n’y a pas de palan et celle ci est directement sur la mèche du safran. Le bateau est ardent car l’usage d’aujourd’hui ne correspond pas à son architecture initiale prévue pour transporter des marchandises. Du coup il part souvent au lof et il n’est pas rare de devoir donner des coups de pied pour tourner à la barre. Il m’expliquait aussi qu’un virement de bord durait 1h le temps de faire passer les vergues et border les vingtaines de voile. L’équipage de 15 matelots pros et la trentaine de stagiaires ne sont pas de trop. J’étais attiré par cet univers complexe et les odeurs de graisse et de bois. Je me voyais barrer ce fier navire sur la houle de l’océan. Le programme des stages 2019 sortira en décembre ! Je vais me faire un stage !!

Revenons à cette journée de dimanche. J’ai le cœur un peu plus léger aujourd’hui surtout quand j’ai commencé à sentir le vent fraîchir. Celui ci vient de l’est. La météo annonçait de la grosse houle à partir de l’après midi. On va voir comment ça se déroule.

Le bateau file bien maintenant que j’ai mis cap au sud en direction de la côte rocheuse. La sensation est douce, je me sens bien. Je ne veux pas m’arrêter, je veux continuer encore, tout droit, aller loin oublier tout le bordel, les gens mauvais, inintéressants, les citadins perdus et égocentriques. Qu’ils et elles aillent au diable. J’ai un pouvoir énorme sur elle et sur eux, celui de connaître la navigation en solitaire, d’être en symbiose avec les éléments. Je n’ai pas besoin moi de m’inscrire sur des sites à la con pour me faire des amis de passage et de déshérence. J’ai une force en moi énorme, que m’a donné la mer mais aussi ma capacité de dépassement. J’ai appris aujourd’hui tant de choses par ma passion de tout. Je suis invincible. Mais sensible, aux beautés, à la tristesse, aux malheurs des autres, je suis à l’écoute de mon monde et empathique de ses vibrations. Je n’ai peur de rien aujourd’hui !

Mon déjeuner frugal

Le temps commence à sérieusement se couvrir mais c’est pas grave, je m’ennivre de vitesse et de cette sensation subtile d’être en équilibre entre la mer et le ciel, sur le fil du rasoir. La mer couleur d’acier coule sous moi, la houle soulève le bateau et je me plais à imaginer quels monstres se cachent en son sein ? J’aurais aimé vivre à la belle époque de la marine à voile au temps des clippers quand la science n’avait pas encore rendu le monde froid et rationnel, quand tous les espoirs étaient encore possibles, quand prendre la mer était encore considéré comme un acte héroïque, quand les monstres marins n’étaient pas encore identifiés comme issus de la kryptozoologie mais alimentaient les discussions des marins dans les bistrots des ports.

Le froid commence à faire son office sur le bateau en approche du Cap Béar. Sur mon tribord je vois les mâts du Belem stationné à Port Vendre, tout droit face aux étraves ces falaises odorantes du Cap que j’ai tant arpenté. Comme j’aime mon pays !

Je suis seul, aucun bateau en mer, rien. Je pense aux pauvres gens qui sont agglutinés dans le métro ou au salon étouffant du chocolat qui a lieu porte de Versailles à partager leurs odeurs corporelles et contacts physiques ou à goûter à des micro morceaux de chocolats touchés par les milliers de visiteurs présents. Je suis le roi du monde.

J’ai viré de bord maintenant cap au large. La mer est houleuse et le Babar tangue à loisir au grès de l’écume. Quel bonheur ! Je vois au loin un arc en ciel signe d’ondées passagères. Je suis attiré par ses couleurs qui contrastent avec le gris du ciel et de la mer mais celui ci se disloque à mesure que j’avance vers lui.

Je repars au nord pour faire une grande boucle et retourner au port mais le plus tard possible. Je me sens si bien, comme une 2ème naissance. La mer a ce pouvoir de faire relativiser sa condition d’humain désespéré et désespérante en lavant en mode essorage le mal qui est niché en nous. Les marins ont tous ce regard vers le lointain, nourri d’aventures et d’émotions fortes.

En remettant le cap vers le port, le vent s’est d’un coup cassé la figure et c’est au moteur que je fais la dernière demi-heure de retour. Une bien belle journée se clôture. Demain retour à l’asile ! 😊

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s