Samedi 1er juin

Nuit encore difficile avec un bon gros rhume. Mais il m’en faut plus pour ne pas prendre la mer. C’est la tronche à l’envers et toute boursouflée d’une mauvaise nuit que je me présente à la Capitainerie pour régler la suffocante… Je prends tout de même le temps d’aller me prendre un café et pain au chocolat au fameux bar du Gorille sur le quai face aux yachts. Je me régale à regarder de bonne heure toute la ville s’activer avant l’arrivée des hordes de touristes. C’est un privilège, comme assister à une répétition d’une pièce de théâtre renommée. Les poissonniers qui installent leurs étals, les bistrotiers qui nettoient les tables, les équipages des yachts qui s’activent sur les ponts avec leurs tenues de yachtmen… Et l’odeur caractéristique d’un petit port Méditerranéen qui enveloppe le tout. Une odeur pleine de fraîcheur matinale dans une chaleur d’été déjà présente avec des senteurs d’iode, de roches mouillée et de pins maritimes au lointain. J’adore ce genre de moment. Mais un particularisme de St Tropez rend cette scène plus cocasse qu’ailleurs… La présence de femmes botoxées en train de faire leur jogging matinal l’air pincée à donner du boulot à des dragées fuka ! Elles sont ridicules et plutôt drôles et je ne peux m’empêcher de les regarder avec un grand sourire.

Il est temps maintenant d’appareiller vers le trajet retour. À 9h le vent est aux abonnés absents et c’est au moteur que je passe la baie de St Tropez devant le 3 mâts horrible du Club Med. Une erreur nautique ce truc là. Les voiles ne doivent servir que pour amuser la galerie car j’ai vraiment du mal à les imaginer efficaces avec ces infrastructures énormes. La mer est un miroir magnifique et apaisant propre à ressentir le bonheur simple d’être en mer.

C’est un peu avant le Cap Lardet que le vent de Sud Ouest comment à faire son office. Juste au moment de déjeuner.

Je pars au large pour faire un premier bord en croisant le fer avec un bâtiment de guerre qui n’a pas arrêté de manœuvrer toute la journée.

Le vent commence à forcir et celui ci vient plein Ouest maintenant, autrement dit pile dans l’axe de ma route. La journée se présente sous le signe du près serré et ce pour 25 milles nautiques dans du vent de 15 à 20 nœuds. Ça va être sport. Et un virement devant la maison du dattier à Cavalere, et encore un devant l’île du Levant et ainsi de suite. Je ne les compte plus. Avec mon rhume tout ceci n’est guère prudent. C’est un peu comme si j’avais mis ma tête sous un ventilateur toute la journée…

Au bout d’un temps que j’ai du mal à estimer je vire devant l’anse Port Mann de Port Cros riche de moments avec ma douce quelques semaines auparavant. J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire mais j’aime me rappeler le souvenir des lieux. Celui ci peut parfois être douloureux quand la personne associée à ce lieu est mauvaise mais lorsque l’endroit est marqué de la présence d’une personne de valeur il est sublimé par la force évocatrice du moment partagé. Beau ou laid le site en soit n’a que peu d’importance, c’est ce qu’il s’y passe qui le grave dans la mémoire. Des criques comme Port Mann j’en ai connu des dizaines mais je me rappelerai toujours ce déjeuner au cul du bateau à nourrir un goéland avec toi…

De virements de bord en bords de virements (oui ça veut rien dire mais je trouve ça poétique) j’arrive bientôt à Porquerolles vers 19h. Je décide d’aller au port car je rêve d’une douche chaude, un peu engourdi par le vent et fatigué de mon satané rhume. Personne ne répond à la VHF je vais me débrouiller. Je trouve une place sur un ponton et décide de m’y glisser. Pas de bol il n’y a ni eau ni électricité. Bah j’aurais quand même ma douche chaude après 30mn d’attente…