Les jours se suivent et… se ressemblent dans une vie citadine. La plupart des gens sont soit résignés, soit s’enivrent de plaisirs éphémères que leur offre le culte de la consommation, soit se perdent dans des limbes professionnelles faites d’illusions et de quêtes futiles et désespérantes de reconnaissance sociale. Moi je suis à la place que j’occupe finalement depuis longtemps… Au fond de la classe à regarder, par delà la fenêtre, des espaces imaginaires de liberté. Liberté de mouvement, de penser, de dire, de rêver… Le monde adulte n’est in fine que la continuité du monde des enfants et ses contraintes. Tout n’était que contrainte et tout n’est que contrainte.
En mer la seule contrainte existante est celle de ses propres capacités.
Je ne cherche pas à « checker » des hauts faits pour alimenter ma page Facebook, je recherche la paix. Celle que l’on obtient par l’effort au-delà de ses capacités, affranchi des lois sociales et surtout de l’obsession obsessionnelle de la sécurité, creuset de la dictature moderne.
Je me moque de l’existence dictée par les réseaux sociaux tout comme de mon image vis à vis de mes semblables. La vraie liberté, c’est celle là. En tout cas aujourd’hui.
Pour ceux qui vont en mer _ attention je fais référence aux navigateurs, pas aux stagiaires d’une semaine aux glenans ni aux croisieristes _ ce qui compte n’est pas d’arriver à bon port mais de quitter le port. La suite ne nous appartient pas.
En ce sens je trouve vulgaire et hors de propos les compétitions et autres régates. La mer n’est pas un terrain de jeu. Elle est, au pire un terrain de commerce, au mieux un espace de découverte, de soi et du monde. Elle est aussi un trait d’union entre les peuples. Elle ne permet pas de frontières ; la preuve avec les pauvres migrants qui la prennent malgré les dangers sans que quiconque ne puisse les arrêter. Elle ne permet pas d’installer un mur avec des miradors pour empêcher les Hommes de se mélanger, action pourtant essentielle à leur survie et leur progrès.
En mer tout est égalité et tout est inégalité. Tout est à sa place et tout est chamboulé. Pas de dogme, pas d’autorité à par celle dictée par la nature. On a coutume de dire qu’à bord d’un bateau seul le capitaine est maître à bord après dieu. Au-delà de la formule, c’est l’exacte vérité. Non pas au pied de la lettre bien sûr, mais car il est nécessaire qu’un esprit éclairé à l’autorité de la mer puisse faire le lien avec l’équipage ou les profanes et la bonne marche du bateau. Il ne s’agit pas de dictature mais d’éveil à la mer. Beaucoup de capitaines sont renfermés sur eux même car la tâche est grave. Et surtout car lui seul sait de part son expérience interpréter ce que va dire la mer. Et la discussion sans fin dissout le diagnostic et la prise de décision. Il faut donc agir et assumer, à l’inverse des flots de palabres ininterrompus caractéristiques de notre époque.
Je rêve de mer. Entouré de béton, de bruits, d’odeurs pénibles… Comment survivre à ces pensées et souvenirs de mer dans l’absurdité de la vie citadine ? Il n’y a pas de sens, pas de compas pour donner un cap. On voit des fous qui courent dans tous les sens, des costards cravates en trottinette électrique… Et pourtant, au fond, je pense que la majorité des gens pourraient penser comme moi. Je crois que notre monde est dans une fuite en avant d’expansion exponentielle depuis plusieurs siècles. L’aventure n’existe plus. Elle est contrainte, tordue par le pragmatisme de la multitude. Tout le monde veut se multireproduire et ainsi se donner un simulacre de sens à sa vie. Une vie qui tourne autour du travail souvent bête et sans intérêt, de l’acte d’achat, de la recherche féminine de la sécurité (Brel disait que c’est la femme, obsédée par le nid et sa quête de sécurité, qui empêche l’homme de réaliser ses rêves d’aventures… Ce n’est pas « mode » de dire cela mais j’avoue que je ne suis pas loin de le penser quand je vois ces mecs qui arborent tatouages et muscles comme autant de signes extérieurs d’une vraie virilité perdue), le tout sous le haut patronage de la politique, du média et de la bien-pensance qui légifère sur l’ensemble.
Je ne crois pas que l’Homme soit fait pour cela. En tout cas l’Homme tel que je le conçois. Une créature éclairée et sage qui recherche le progrès philosophique et souhaite améliorer sa condition sans exploiter son prochain ou son environnement. Ah oui… Je suis idéaliste comme ils disent.
Je rêve de mer… 45 ans. Que dois je faire ? Me résigner, faire des power point, diriger mon univers avec l’assurance maladroite d’un animateur de conf call et attendre, avec une résiliance mortifère, les congés, comme un fonctionnaire désespérant dépressif ? Ou partir… à l’aventure avec son lot d’incertitudes passionnantes et angoissantes ? On verra dans les mois à venir… Je suis à l’équateur de ma vie, dans la zone de convergence entre 2 mondes. Il y a des grains à l’horizon, des bourrasques et des calmes plats… Je suis armé pour traverser ce territoire hostile. Serrer la toile, tout renvoyer… Les manœuvres seront multiples, nombreuses et épuisantes… Mais dès que mon cap sera sûr et le vent portant, je ferai route !