Jeudi 3 octobre
Je me sens comme dans le Grand Bleu… Dans les scènes calmes avec la mer métallique balayée par le vent. En harmonie douce avec elle, loin des excès de l’été, excès de température, de monde, de nuisances. Naviguer en octobre c’est naviguer comme il y a 40 ans. Peu de bateaux, aucun motor yachts ou jetski, étonnement pas de plastiques à la dérive… Bref un eldorado maritime. La seule contrainte vient de températures évidemment moins douces. Même si l’eau est à 19 degrés, suffisant pour moi pour me baigner.
Mercredi 2 octobre, je quitte Palamos pour aller un peu vers le sud au mouillage de Tossa de Mar, habituellement encombré de bouées.J’aime cette côte, pourtant souvent décriée comme l’horreur du tourisme de masse. C’est faux. Il y a des spots usines bien sur comme Platja deAro, mais globalement elle reste préservée, en tout cas depuis la mer. J’aime aussi ses odeurs, mélanges de cuisine méditerranéenne, de poissons frais, et de pins maritimes.
J’arrive maintenant à Tossa. Il y a encore des bouées mais libres. Je fais un tour d’inspection et je décide de m’amarrer à l’une d’elles. Mal m’en pris. Un gars en zodiac arrive à tout casser à ma rencontre et me dit « per una nit es 50 euros per la teva barca ». J’ai éclaté de rire et lui ai dit « OK.. Vaig a l’ancora ». La bêtise de la loi du business. Le type, hyper glouton, farci de racket estival, aurait pu, en intelligence au vu de son champ de bouées vides et de la saison, me proposer soit la gratuite soit à la limite 15€ pour la forme. Non le gars reste campé sur sa soif insatiable de pognon. Époque de perdition.
Je vais plus loin mouiller l’ancre sur la partie Est de la baie protégée par un éperon rocheux. Je décide d’aller me baigner et voir les fonds avec mon masque. J’ai été bien inspiré car la zone est couverte de blocs de béton éparpillés un peu partout et c’est une chance que je n’ai pas mis mon ancre dessus. Ce sont des corps morts pour ammarer leur foutues bouées de racket pour l’été. J’en ai marre des restrictions de mes libertés. Je me plais à rêver de Méditerranée Orientale ou paraît il ce type de business n’est pas encore arrivé. Pour abattre ton chien dis qu’il a la rage… Vieux dicton pour faire passer ces bouées business sous couvert d’écologie.
Le soir venu, la houle provenant du coup de vent de Tramuntana du nord, entre dans la baie, rendant le mouillage inconfortable. Mais au moins je serai protégé du vent qui va arriver.
Jeudi matin. Nuit pénible dans une machine à laver… Je décide de lever l’ancre pour chercher une crique plus à sud protégée de cette houle. Je continue 3 milles plus loin à la quête de cette cala salvatrice. Peine perdue, toutes sont ouvertes au large. Je decide de faire demi tour pour monter jusqu’à la cala de Castell au dessus de Palamos que je sais protégée. Et c’est parti pour une navigation tranquille à la voile de 15 milles.
Qu’il y a t il de plus beau que ce spectacle ?
Durant cette courte navigation d’une demi journée tout de même, j’ai fini le livre de David Fauquemberg « Bluff ». J’ai adoré, l’auteur décrit avec force témoignages de maoris et polynésiens, la puissance de la culture des peuples Océaniens. En symbiose avec la mer, ils ont parcouru des milliers de milles à travers l’océan pacifique à bord d’embarcations très sophistiquées et surtout un savoir empirique et encyclopédique énorme, bien au delà des explorateurs occidentaux. Et pourtant cette culture tend à disparaître au bénéfice du roi dollar, de la consommation de trucs débiles et inutiles et surtout du malheur et du mal-être de notre civilisation décadente. Mais je reste optimiste et je sens que la roue tourne. Je pense que l’Homme ne peut pas éternellement consommer sans se consumer.
L’arrivée dans la cala est magique avec un coucher de soleil seul au monde et des odeurs de pins et de fenouil sauvage émanant de la terre. Cette vision suffit à me rendre la foi en l’avenir.