Samedi 11 juillet 2020
Ponza c’est beau mais trop beauf. On met le cap sur la petite île de Ventotène à 9 milles. Le vent n’est pas favorable et c’est en partie au moteur que ça va se passer. Au début, malgré tout, je reste à la voile pour apprécier l’île de Ponza dans notre tableau arrière. Jamais l’appellation de tableau arrière n’aura aussi bien porté son nom car c’est une véritable œuvre d’art que cette île vue de mer.
Nous sommes maintenant à mi distance et nous croisons un éperon rocheux perdu au milieu de la mer par plus de 300m de fond. La roche est volcanique et nul doute que c’est un vestige d’un très ancien volcan. On dirait l’île noire de Tintin.

On se sent bien, au vent du large après la chaleur de la nuit, tous les 3, seuls, apaisés. Il y a néanmoins quelque chose de surréaliste dans cette croisière. Nous avons passé plus de 2 mois enfermés, privés de liberté, et on se retrouve ici avec un excès de liberté. On a beaucoup de mal à y croire et notre quotidien, fait d’enchantements, de découverte, de rencontres insolites mais parfois aussi de souffrance, d’exasperation et de fatigue, ne ressemble à aucun autre. Nous n’avons pas de repère ni de comparaison, nous vivons, c’est tout. Le seuil de la croisière estivale est dépassé depuis bien longtemps, nous ne sommes pas en vacances, nous sommes dans un autre monde, à mi chemin entre des navigateurs, des marins, des privilégiés et des fous. Le monde est covidé et nous, on est… ailleurs, dans une autre réalité à la découverte des peuples de la Méditerranée, ce pays continent multiculturel qui a réussi là où les pays anglo saxon ont échoués, à rassembler des peuples différents mais unis par un art de vivre.
Rien ne nous indiquait à quel point notre prochaine destination allait justement être le parfait exemple d’une belle découverte d’un exemplaire vivant de l’art de vivre à la méditerranéenne.
Ventotène… De la mer, depuis l’ouest, c’est un petit rocher noir, volcanique, hostile.
C’est une fois passé le gros cap Sud que l’on découvre le joyaux, comme un saphir blotti dans un coffre perdu dans quelque naufrage d’une galère romaine. Le coup de cœur vient de la mer. De hautes falaises du haut desquelles on distingue des petites villas colorées d’inspiration romaines antiques. Et puis du tuf volcanique, souvent utilisé par les Romains pour leur constructions, et des cultures, vignes, figues, oliviers… Et tout à coup le port! Un vrai port Romain intact et encore exploité aujourd’hui, autour duquel s’est construit, blotti contre lui, un magnifique village coloré. Nous mouillons l’ancre devant ce port antique qui a vu débarquer des empereurs Romains et admirons, incrédules la beauté du spectacle. Derrière nous, l’île de Santo Stefano qui hébergeait une prison et est aujourd’hui un sanctuaire marin. Triste de voir comme les hommes peuvent se surpasser pour construire des choses pour enfermer d’autres hommes.
Nous avons hâte d’aller à terre. Et rapidement, nous mettons le babarounet à l’eau pour partir en exploration. L’arrivée en annexe dans le port est une expérience unique. On parcourt l’histoire et c’est avec respect et en silence que nous nous glissons en son sein. Nous trouvons une place pour l’annexe au fond du port. Moment d’émotion, je l’amarre en faisant un noeud de cabestan sur une bitte antique en tuf volcanique. Une fois à terre nous sommes transportés dans une époque perdue, un monde perdu. Le port romain abrite une vie bigarrée de plongeurs, de vendeurs d’épices et de bocaux maisons, de petits bistrots creusés à même le stuf dans d’ancienne échoppes romaines. L’île est célèbre pour avoir été occupée par Agripinne la mère de l’empereur Caligula. Elle a été en exil ici et, à sa mort, Caligula en personne est venu sur l’île récupérer ses cendres. J’imagine les galères amarrées dans le port et les cohortes de centurions et légionnaires accompagnant l’empereur fou.
En montant vers les hauteurs du village, sous un porche, un « nonno » semble montrer un intérêt à notre visite, vient à notre rencontre pour nous guider vers les lieux à voir sur son île. Il nous explique avoir 80 ans et vit ici depuis toujours. Rien de cela ne peut arriver dans une grande ville d’aujourd’hui. Nous arrivons sur une jolie piazzeta où toutes les générations se mélangent et se côtoient. Et surtout… Quasi pas de touriste ! Sur cette petite place, chose insolite, on trouve une belle librairie maritime. Nous y entrons et découvrons de vrais trésors de littérature de mer sur la méditerranée. Hélas tous les livres sont en italien et je ne maîtrise pas suffisamment la langue pour lire un livre entier. C’est dommage car beaucoup d’entres eux m’auraient intéressés. Nous partons ensuite à la recherche d’un resto pour le soir. Notre dévolu va vers un restaurant avec petite terrasse vue sur mer, l’Afrodita. Mais avant, nous retournons au bateau pour se baigner, et ne pas se lasser de notre vue sur cet endroit si « particolare ». Le soir c’est apero dans un bistrot du port et pasta au scoglione (chapon). Nous rentrons ensuite au bateau avec l’annexe après avoir un peu abusé sur le vino bianco..
Dimanche 12 juillet
La nuit a été d’une grande douceur et nous nous levons avec le soleil illuminant Ventotene, notre escale préférée avec Capraia. Mais la chaleur devient vite insupportable et moite, signes annonciateur d’un changement de temps. Un vent fort d’est est d’ailleurs prévu pour ce soir et demain matin. Il va falloir réfléchir à l’endroit pour se protéger. Il n’y a que 2 solutions car l’ouest de l’île n’est pas pratiquable : soit partir à Ischia mais sans vent soit aller au port commercial, spartiate mais semble t il a 25 €. Bien entendu nous prenons la 2e option mais nous devons nous présenter qu’à partir de 17h30. Parfait, cela nous laisse du temps pour arpenter l’intérieur de l’île.
La journée se passe entre baignades et siestes dans le bateau pour se protéger du mordant du soleil. À 17h nous nous présentons au port commercial. Nous ne sommes pas les seuls à avoir cette idée mais nous trouvons un espace au quai du môle à côté d’un petit voilier occupé par 2 petits retraités sympathiques. Nous apprenons d’ailleurs que l’emplacement est gratuit !!! C’est impensable mais pourtant vrai. Nous amarrons le bateau et allons nous balader le cœur joyeux de la bourse pleine ! L’intérieur de l’île est insolite avec plein de petites maisons entourées de jardins et de potagers. L’endroit sent bon le bien être et une communauté heureuse de vivre. Sur le retour nous allons acheter des produits faits maisons chez Vincenzo, vieux bonhomme sympathique installé sur le port. Il est temps de rentrer au bateau pour notre dernière nuit à Ventotène, déjà habités de nostalgie à quitter ce monde perdu…
Bon à savoir
Le plan de mouillage devant l’entrée du vieux port romain est parfait avec des fonds de qualité.
On peut se mettre gratuitement longside dans le port commercial le long du môle,
pas la peine de contacter les autorités pour cela, il suffit d’arriver à partir de 17h30.
Attention par vent sud, on est protégé du vent mais la houle rentre et rend l’endroit très
inconfortable (mais pas dangereux si on prend la peine de mettre de nombreux pare battages).
Ventotene
A mon avis la plus belle et surtout la plus authentique par le mode de vie des autochtones qui savent préserver leur espace de vie.
C’est encore une fois un privilège de rencontrer cela dans l’époque tres perturbée que nous vivons.
Quelle émotion vous nous faites partager l’arrivée au port avec l’évocation de l’empereur romain et des galères entrant et ton amarrage sur cette bite antique
On est suspendus a vos récits. Bisous.
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