Dimanche 26 juillet 2020
Nous quittons le mouillage de Canetto vers 7h30 le temps d’aller faire un plein de gasoil à Lipari. Il existe un quai très pratique, fait surtout pour les gros navires, sur lequel on s’amarre pour faire rapidement le plein. Des gars à l’uniforme identique et casquette rouge vissée sur la tête s’activent sur le ponton pour aider les bateaux.
Nous prenons ensuite notre cap direction le détroit de Messine, porte des mers d’orient. L’enthousiasme revient à bord avec une excitation d’aventure. La route est longue de 38 milles mais le vent est bon et favorable. Nous dépassons Vulcano et sentons au large ses effluves souffrées malodorantes. Nous n’avons aucun regret de n’avoir pas accosté les autres îles, certains d’avoir déjà vécu le plus beau : Stromboli et son explosion.
Le vent nous oblige à faire cap vers la Sicile et en particulier la ville de Milazzo. Le paysage est étonnant et bouscule nos certitudes. Nous pensions trouver une côte désertique et plate. Faux, c’est relativement boisé et surtout de hautes collines et montagnes surplombent le littoral. Je pense à cette terre austère qui a vu tant d’exodes de part le monde. Les italiens et en particulier les Siciliens sont les principaux colonisateurs des USA durant le XXe siècle. Un sentiment de respect nous parcourt à ce moment. Nous voyons cette terre depuis la mer là où des millions l’ont vu en partant, le ventre noué mais le cœur plein d’espérance. Nous pensons au Papa de Doriane, qui a participé lui aussi à cette quête vers son propre destin, loin de la rude et belle aridité de ce pays. Nous pensons aussi à sa Maman qui a quitté ses terres plus au nord, en Vénetie. À ma grand mère aussi ou mon arrière grand père, tous deux de Toscane… À tous les gens qui ont dû, un jour, quitter leur pays pour se révéler ailleurs. Par choix ou par désespoir…


Je vire de bord devant un gros pétrolier au mouillage devant Milazzo pour faire route vers la Calabre et l’entrée du détroit. Nous longeons ainsi la côte nord de la Sicile au plus près pour ne rien perdre de la contemplation.
Nous allons, à vitesse soutenue, en direction de notre escale du jour : Scilla. Un village de pêcheurs blotti sur la montagne de l’Aspromonte qui tombe dans la mer et fait office de gardien avant de s’engouffrer dans le fameux détroit. Nous dépassons d’immenses pilônes électriques rouge et blanc, les derniers vestiges de l’époque où la Sicile était totalement dépendante du continent pour l’électricité. À ce moment nous sentons les effets des premiers courants du détroit. La mer bouillonne parfois sous l’effet contraire du vent sur les courants.

Nous arrivons enfin devant Scilla. Est ce elle qui a inspiré Homère ou l’inverse ? L’escale est trop belle pour ne pas calquer notre odyssée sur celle d’Ulysse. Devant le petit port se dresse le gros rocher mythique chanté par Homère et qui hébergeait un monstre marin. Derrière, et sur tout le littoral, la montagne calabraise tombe dans la mer dans un paysage à couper le souffle. C’est une belle surprise car beaucoup de navigateurs dénigrent la Calabre. Je m’inscris en faux, c’est un pays magnifique.
Le petit village de Scilla est un joyau au milieu de ces montagnes. Des petites maisons pittoresques et modestes font face à la mer et entourent le petit port occupé encore par 2 bateaux typiques de la pêche à l’espadon (un mat vigie de très grande hauteur et une proue d’une longueur équivalente pour poster l’harponneur). Avec Doriane nous déplorons la chasse à cet animal en voix d’extinction. Je respecte les traditions mais quand celles ci voient des hommes s’entêter à les faire perdurer jusqu’à la dernière écaille de poisson, cela frise à la bêtise humaine.
Nous sommes postés à 2 bouées, l’une à l’étrave et l’autre à la poupe, pour placer le bateau face à la houle. Nous verrons plus tard que cela est inutile… Les forts courants du secteur se moquent de ces procédés…
Nous débarquons à terre avec la soif d’explorateurs. Le village est pauvre mais on ressent une vraie joie de vivre au bord de la mer. Entre chaque maison, est emménagé un petit accès à la mer entre les rochers, avec parfois une barque tirée au sec. De nombreux habitants se baignent ainsi dans la mer qui semble toujours un peu agitée par ici.
Nous finissons notre balade à table d’un joli bistro pour déguster du vin calabrais et des produits locaux. Le vin est très bon ici, quoique un peu rugueux et fort à l’image de ses habitants.
Bon à savoir :
30 € pour la prise de bouées devant le charmant village de Scilla. Attention à la houle et au courant.
Le bar à vin Casa Vela Wine Bar est très bon et le service adorable. N’hésitez pas à goûter le
vin calabrais, un peu rugueux mais délicieux.


Lundi 27 juillet 2020
Nuit terrible… Houle forte, machine à laver, mal de crâne. Après un bref passage à terre, nous reprenons la mer affronter le terrible détroit !

En quittant Scilla, nous découvrons les affres des courants parfois contraires, parfois bénéfiques. Nous avons pris l’option de partir 4h après la pleine mer de Gibraltar pour bénéficier d’un courant nord sud favorable. Et pourtant, ça n’est pas vraiment le cas et avons plutôt un courant de face durant le trajet avec un vent qui monte en puissance au fil de notre navigation. Le vrai problème du détroit est la grande vigilance dont nous devons faire preuve avec le traffic de gros navires dans tous les sens. Nous embouquons le canal des navires venant du sud pour rester au centre du détroit tout en observant avec attention le jeu incessant des ferrys faisant l’aller retour toutes les 15mn entre la Sicile et la Calabre.

Finalement tout se passe bien et nous arrivons à Reggio di Calabria. Il faut demander l’autorisation aux autorités avant d’entrer dans le port. Nous arrivons à une place sur un ponton avec peu de bateaux. Nul doute que nous ne sommes pas dans un port habitué à la plaisance mais l’accueil est hyper sympa avec 4 gars du type vieux marins blasés assis à l’ombre d’une guérite bleue et blanche. Le vent est fort et rend la chaleur supportable. Nous posons vite le pied à terre pour rejoindre l’hôtel où nous attend une chambre pour nous remettre de nos semaines de fatigue et de houle. La chambre est super avec vue sur l’Etna et la côte de Sicile. Enfin une douche, enfin un lit, enfin du frais… Notre aventure nous permet aussi d’apprécier le confort de la civilisation que nous avons voulu quitter.
Bon à savoir :
à l’entrée du port de Reggio, il faut absolument se signaler aux autorités portuaires avant d’entrer dans le
port sous peine d’amende.


Quel bel hommage rendu aux parent de Doriane et a tes grands parents mon fils c’est très émouvant.
Scylla est une très belle cité il s’en dégage des atmosphères du film le parrain. Quel bel endroit avec ces ruelles qui plongent dans la mer.
Vous vivez des moments uniques qui se suivent de jours en jours peut être trop vite mais c’est le prix de la navigation car le but a atteindre vous contraint a respecter un certain timing.
Sousou est le plus beau des chats il n’y a aucun doute
Faites nous encore rêver.
Vous touchez au but on vous aime.
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Très émue aussi. Merci de nous prendre avec vous dans ce voyage. Lecture toujours aussi vivante. Et que vous êtes courageux !!!
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