Lundi 31 août 2020
Je me suis réveillé tôt ce matin, bien avant les tavernas. Depuis la cabine, alors que tout le monde dort, je regarde par le hublot le vent de terre nocturne continuer son travail. Le clinquement caractéristique des haubans me rappelle tant de souvenirs nautiques, à mes débuts à la voile, dans le port de Barcares, lorsque soufflait la Tramontane et, que, allongé dans l’étroite petite cabine de PtitGars, je rêvais de destinations lointaines et d’aventures de mer. J’y suis maintenant… 8h, je me décide à quitter la cabine pour aller me prendre un petit dej en solo dans une taverna en laissant ma Doriane dormir paisiblement. J’aime le matin, avec ses odeurs de terre mouillée et son train train qui commence doucement. Je rejoins Doriane vers 10h pour aller ensuite prendre un café avec nos charmants nouveaux amis de JazzaBee. Alors que nous sommes attablés à discuter depuis une heure, le patron du resto nous demande de partir car d’autres bateaux sont attendus. Le vent est déjà un peu présent et Babar est dans un mouchoir de poche. C’est pas grave, le gars déboule avec son annexe et nous tracte carrément pour sortir. Même dans une marina, on ne bénéficie pas de ce service !
La question existentielle du jour : où aller parmi ces merveilles ? J’ai repéré une petite île dans le chenal entre Lefkas et Meganisi. Nous y allons en mode no stress par un vent qui s’est affaibli sous le vent de l’île de Lefkas.
L’endroit est sublime mais je ne veux pas m’y arrêter car les fonds ne me plaisent guère. On continue jusqu’à un mouillage conseillé de Meganisi par nos amis de Jazabee. Une fois au nord de l’île de Meganisi, nous sommes cueillis par un vent fort. Je précise que, et nous le verrons aussi plus tard, les conditions météo sont parfois difficiles ici. Sur le plan synoptique et global, peu de surprise, car le vent dominant est très clairement établi et la question porte surtout sur sa puissance, mais cela ne représente pas un problème. Non, le souci, c’est la navigation entre les îles, où le vent peut tourner dans tous les sens. On se croit à l’abri dans un mouillage, et ben non, les rafales peuvent être puissantes et tourner autour du bateau. J’ai même vu 2 bateaux au mouillage l’étrave dans un sens opposé et avec un vent frais.
Revenons à notre navigation. Nous arrivons en vue de la baie de Abelaki sur Meganisi. Une végétation dense faite de cyprès et d’oliviers donne à l’île un aspect sauvage et préservée comme toutes les îles ici. Nous mouillons l’ancre dans un véritable éden avec, au fond de la baie, 2 petites Tavernas. L’eau est émeraude, calme et douce. Nous ne pouvons pas résister à nous y glisser. C’est si agréable que nous restons ainsi à barboter pendant près d’une heure. La végétation est littéralement au bord de l’eau et des branches d’arbres carressent l’eau délicatement. Nous décidons de rester ici 2 nuit !


Le soir arrive et nous allons dîner dans l’une des Tavernas. Nous choisissons celle au charme le plus désuet, décorée simplement, avec des couleurs douces et des sofas un peu partout pour se détendre. Ouzou, feuilles de vigne farcies… Après ce dîner nous allons, de nuit, arpenter la petite route pour rejoindre le village située à 20 minutes de là. Nous parcourons des champs d’oliviers centenaires tels qu’on n’en trouve qu’ici. Les oliviers ont des troncs énormes et tortueux et portent en eux la mémoire antique du pays. Le village est charmant mais assez touristique car un ferry transporte tous les jours son lot de curieux un peu hagards avec toujours ce regard en eux de ne pas trop savoir ce qu’ils font ici… Un peu comme dans toutes les îles.
Bon à savoir :
Le mouillage d’Abelaki sur Meganisis est un vrai paradis. Même lorsque le vent du Nord Ouest souffle fort, on reste parfaitement protégé avec des fonds solides. L’eau émeraude est d’une grande douceur. A noter, aucune
guêpes ici alors que l’île de Méganisis est connue pour ces bestioles envahissantes.Les 2 restaurants au fond de la crique sont très sympas.
Mercredi 2 août 2020
Même si l’endroit est magique et bien protégé du vent dominant, l’envie d’ailleurs me démange. Doriane serait bien restée ici mais à ce rythme on va finir par prendre racine… Prochaine escale l’île de Kalamos. Nous sortons doucement de notre baie et faisons le tour de l’île en direction du continent. La vue, à 360, est sublime. Partout des îles, des montagnes plus ou moins pelées, parfois riches en forêts de cyprès et d’oliviers. C’est d’ailleurs assez étonnant de ne voir que peu voire pas de pins ici. Nous prenons le chenal entre le continent et le nord de l’île de Kalamos avec un point de vue grandiose sur l’une des plus hautes montagnes de Grèce, Psili Koryfi qui culmine à 2 900m. La côte nord de l’île de Kalamos est un vrai bijou avec une forêt dense qui tombe dans la mer et ourle des belles plages d’une eau vert émeraude.

Nous sommes maintenant dans le nord du chenal entre Kalamos et la petite île de Kastos. Le vent est monté d’un cran et un clapot désagréable et étrange nous balotte. Il faut se rendre à l’évidence le mouillage devant le port de Kalamos, malgré les bons avis des navigateurs sur les forums du Web, n’est pas du tout pratiquable. Où aller ? La météo annonce l’arrivée d’une vent fort de nord ouest pour la fin de la journée. Aller au petit port de Mitaki sur le continent ? Difficile par vent fort de s’essayer au mouillage dans un port inconnu. Aucune crique dans ce coin n’est vraiment à l’abri. Mais il semble y avoir un mouillage relativement protégé à la fois du vent du moment et du vent prévu au nord de la petite île de Kastos toute proche. C’est tout près, on va tenter cette option. On double le cap du nord de cette petite île longue et étroite et arrivons sur zone. Le vent souffle en rafales mais la mer est plus calme. Un premier mouillage ne me paraît pas secure, on tente un autre et, après avoir vérifié, on plante l’ancre sur une petite zone de sable, le reste étant de la roche ou de l’herbier. Ouf, le stress commence à s’estomper et nous pouvons découvrir la beauté sauvage du lieu. Ici, pas de Tavernas, mais de la roche, des oliviers et… Plein de chèvres noires qui n’arrêtent pas de bêler. Baignade et détente au programme.
Bon à savoir :
Le seul endroit vraiment sécurisé pour bien mouiller l’ancre se situe juste devant la plage au Nord Est de l’île
de Kastos.
Vendredi 4 septembre 2020
La journée de jeudi a été consacrée au repos et à la glande, et surtout, elle nous a permis de nous mettre à l’abri d’un épisode de vent fort. En ce vendredi matin, celui ci s’est calmé un peu et nous décidons d’aller rejoindre le village côtier de Mitika sur le continent. Quelques rafales perdurent mais rien d’inquiétant. On lève l’ancre et envoie la grand voile non sans avoir pris un ris car je distingue au large des risées. Tout d’un coup, sans prévenir, nous sommes littéralement couchés par une forte rafale. À l’intérieur c’est la surprise pour l’équipage. Dehors je me fais gifler par le vent et les embruns, comme pour me punir de mon insolence d’avoir sous estimé le courroux de Poseidon. Il faut se rendre à l’évidence, nous ne passerons pas, le vent est trop fort pour s’engouffrer au près serré dans le chenal nord de l’île entre Kastos et Kalamos. Nous décidons d’aller plus au sud de Kastos pour trouver une autre crique abritée. Le vent ne s’est finalement pas vraiment calmé et, alors que j’ai viré de bord et me trouve grand largue, propulse le bateau dans une rafale à plus de 10 noeuds. Nous arrivons vite à une très belle crique abritée et calme aux eaux émeraudes et claires.
La journée s’annonce agréable mais, à part pour aller me baigner, je préfère rester à bord, car le vent reste fort. Doriane va à terre rejoindre le village situé à 30mn de marche d’une belle balade. À son retour, nous déjeunons et je refais un point météo. Les prévisions ont changé, le vent va tourner durant la nuit prochaine et venir de l’est, et surtout des rafales à 35 noeuds sont prévues. Problème, la crique, ainsi que toutes celles de l’île sont ouvertes à l’est. Deux solutions, essayer le petit port de Kastos ou partir en fuite sur le continent plus au sud. Nous choisissons le port. Nous arrivons assez vite sur zone car celui ci est proche de la crique où nous avions mouillé. La chance nous sourit, il y a une seule place de disponible et elle est pour nous. L’eau est claire, les fonds de faible profondeur, je décide donc de mouiller l’ancre par la poupe avec un bout en textile et arriver par la proue. On se glisse entre 2 gros bateaux. Ce petit port est un vrai enchantement, d’un charme désuet certain, presque à l’abandon. On se croirait dans un vieux western, il ne manque plus que les buissons roulant sur la terre poussiéreuse, emportés par le vent. Nous sommes transportés à une autre époque, quand le tourisme n’était pas de mise et que l’hospitalité était un honneur. Cette île est un havre préservé et à l’écart de tout ce qui fait que notre civilisation va à sa perte. Pas de consommation de masse avec juste une petite boutique où j’ai acheté un petit collier pour Doriane et 2 ou 3 tavernas. J’ai peut être trouvé mon Éden perdu.. Nous allons rester ici plusieurs jours, piégés par un nouveau pays de lotophages. Rapidement nous trouvons nos habitudes, les gens nous reconnaissent et nous saluent, nous faisons des rencontres chaleureuses. À ce sujet, la soirée passée en compagnie de 2 italiens, l’un de Venetie (Davide, skipper pro en détente) , l’autre de Sicile (Mario, volubile et excentrique retraité qui nous a tous invités à manger la Pasta et a offert à chacun une bouteille d’huile d’olive de Sicilia) fut le point d’orgue de ce séjour la veille de notre départ. Mais avant ce départ un peu mélancolique, nous nous sommes ennivrés de vent dans cette nature rocailleuse et odorante, d’Ouzo au bistrot du moulin à regarder scintiller la mer sous la lune aux lueurs des bougies et des lampions, seuls et de chaleur humaine avec de multiples rencontres. Je repense à la gentille vendeuse de l’unique boutique de l’île, au gars sympa du bistrot du moulin et propriétaire d’un bateau rouge dans le port, en admiration devant Babar, à la petite famille et les chatons au pied d’un arbre un soir, à déguster quelques mézes, au bon gars du resto de la taverne du port, à la sympathique famille qui tient la taverne sur les hauteurs avec la maman cuisinière qui a vécu en France et a conservé un peu l’accent provençal… Celle ci ne retournerait d’ailleurs jamais en France, pays de stress et d’interdits selon elle (et selon moi..). Jamais nous n’avons eu autant le sentiment de faire parti d’une communauté éphémère avec un particularisme local de vraie hospitalité, où l’on se sent chez nous le temps d’un soupir à l’échelle d’une vie, peut être même plus que dans sa ville et son quartier d’origine. Je suis conscient que cela reste un mirage, une étoile filante dans notre belle constellation de moments intenses vécus durant notre voyage et qu’il faut partir pour que ce souvenir d’être un peu chez soi chez l’autre reste gravé et ne se gâte avec le temps. Mais que de beaux moments passés sur cette île. Où aller après une si belle escale ?
Bon à savoir :
- Le port de K astos est très bien protégé. On mouille l’ancre au milieu du port par 3m et s’amarre au petit
- quai. Attention il y a de place pour une dizaine de bateaux. Pas d’eau ni électricité, mais c’est gratuit.
- Il y a une épicerie ouverte que le matin.
- Les restaurants par ordre de préférence :
Windmill Taverna : la vue est sublime, la cuisinière a vécu longtemps en France. Bonne nourriture pour tarifs
raisonnables. A noter que l’on peut prendre une douche (en échange d’un repas…).
Il Porto Taverna : bon marché et sympa.
Taverna Belos : cher.
Ne pas louper l’apéro pris au bistrot du moulin avec la vue imprenable.

Tout est beau : le texte, les photos ! Si je pouvais je partirai tout de suite pour la Grèce (du moins ses îles)
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Le bonheur et les belles choses se méritent …Cette navigation le prouve…
Mais que de beaux moments de belles rencontres et des paysages a couper le souffle.
Quelle émotion vous nous faites partager.
Merci pour cet émouvant récit et ces belles photos d’endroits si magiques.
Gros bisous a vous trois…
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