Lundi 5 juillet
Je suis réveillé de bonne heure par le début d’activité du port mais surtout par des petits bruits familiers sur le pont. À travers le hublot je vois passer une silhouette familière svelte qui avance à pas feutrés. Un chat ! Le joli noir et blanc rencontré la veille sur le quai. Un instant j’ai cru que mon esprit me jouait des tours et que Solenzu était revenu.

Le temps de prendre un petit déjeuner dans une Taverna du port et nous commençons l’appareillage. Pierro à relever l’ancre, moi aux commandes. Je largue les amarres, je mets les gaz, je hurle à Pierro de relever rapidement et on est partis, cap au sud vers l’île suivante Kithnos distante de 25 milles. Le vent est toujours excellent, nous sommes au près serré par 5.5 noeuds. Nous déposons facilement plusieurs voiliers et arrivons en vue de l’île. L’endroit est tellement magique vue de la mer. Tout est comme je l’imaginais, de la caillasse, du vent, du soleil fort, peu de bateaux en mer et la sensation d’être au bout du monde est bien là, je me connecte à l’ancien, le très ancien monde. Henri de Monfreid se rappelle à moi, à travers ces navigations entièrement à la voile et cet environnement rugueux propre à l’aventure. Je suis à la fois en accord et en désaccord avec Kersauson à ce sujet. Oui la vraie aventure est celle où la vie est en danger mais la notion d’aventure évolue surtout avec son temps. Même lui n’a rien d’un aventurier au regard de ses prédécesseurs. Mais aujourd’hui naviguer à la voile dans un pays comme la Grèce peut représenter une aventure forte au regard de mes contemporains. Bref le plus important est de ressentir cette sensation particulière par soi même. Rien à foutre des autres.

Nous arrivons bientôt au mouillage de Kolona avec son isthme caractéristique entre deux baies. Nous mouillons vers la plage entre deux bateaux. Tout est paisible, loin de l’agitation du vent du large et du tangage du bateau. La baignade est indispensable pour nous laver du trop plein de soleil, de vent et de sel. Tout autour de nous, c’est la pierre et les chèvres. Nous discutons longtemps dans la soirée sur notre chance d’être là et devisons sur le monde.
Mardi 6 juillet
Je me réveille d’une belle et douce nuit réparatrice de la navigation de la veille. Avant d’imaginer quitter notre éden, je fais le point météo. Un épisode musclé de Meltem pointe le bout de son nez à partir de mercredi soir pour une durée indéterminée de minimum 5 jours. Mon idée est simple, identifier un port avec pendilles (amarrage au quai et non à l’ancre, rare en Grèce), pour sécuriser le bateau et partir à la découverte de l’île choisie. Deuxième critère, une île riche et intéressante à découvrir. Ce sera Sifnos juste au Nord Est de Milos.
Nous décidons de partir à nouveau et rejoindre le sud de l’île de Sifnos, le port de Platis Gialos. Il est équipé de pendilles mais ne peut accueillir qu’une douzaine de bateaux. Si nous ne trouvons pas de place, nous irons à Milos.
Dès la sortie du mouillage, un bon vent de Nord nous permet de naviguer grand largue dans de bonnes conditions de confort et de performance. Mais au fur et à mesure de notre progression le vent fraichit sous le vent des îles. Car la particularité locale est assez déconcertante. Nous pensons être préservés du vent fort sous le vent des îles, et bien non ! Car les rafales s’accélèrent et retombent violemment de l’autre côté. Je décide donc de gréer la trinquette et conserver la grand voile haute. Choix judicieux car le vent vient plus vers le travers et parfois bon plein ce qui accélère sa puissance.
Nous doublons l’île de Serifos, aussi désertique que Kea avec de hautes murailles de roches. Une sorte de brume de chaleur donne un aspect fantomatique à sa côte chaotique et vide de toute présence humaine en dehors de chapelles orthodoxes ici et là.
Au fil de notre navigation, la côte Ouest de Sifnos se dessine et nous donne un aperçu de sa singularité. Ici, peu de désert mais une végétation dense. De belles promesses de randonnées. Au loin nous distinguons d’autres îles encore, Milos notamment. Le territoire est fantastique avec des îles à perte de vue et de vue et autant d’options de découvertes et de mouillages. Je commence à ressentir une sensation d’accomplissement, de fin d’une longue quête, celle que je nourris depuis bien longtemps, trouver enfin un eldorado de la voile, inspiré de mes lectures d’enfant. Le ciel bleu, les maisons blanches, la mer nuancée à l’infini, de cobalt à royal, elle est faiseuse de roi, de roi du monde, de l’aventure et de la découverte. La mer du Grand Bleu que j’ai tant cherché est bien là et ce n’est pas un mythe.
Le port s’avère vide de bateaux et nous finissons cette belle navigation dans un endroit digne de la Mer Rouge et des écrits de Monfreid, c’est vide c’est beau. Les deux autres jours seront consacrés à la découverte de l’île par tous les moyens pédestres, en scooter, éthylique et gastronomique. Nous sommes les rois du monde et de la mer !
Quel plaisir de revoir Sifnos ! Bises
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