Dimanche 10 octobre
La pluie a tapé l’incruste dans notre croisière. Comme une invitée qui s’éternise et qu’on ne sait comment lui faire prendre conscience qu’elle commence à être lourde et qu’il serait temps qu’elle lève l’ancre. Et elle ne comprend toujours pas, elle reste…
Au climat s’est ajoutée une autre péripétie. Nous décidons, malgré le temps, de quitter la Marina pour rejoindre Egina. Tout est OK, on a fait l’avitaillement, j’ai réglé les droits de port. Je mets le moteur, on s’engage dans l’avant port, j’envoie la grand voile et mets le cap sur l’île d’Egina. Tout à coup un bruit sec métallique claque soudain et la barre devient toute molle. Je sais d’instinct ce qu’il se passe, soit j’ai perdu un safran soit c’est la barre de liaison qui a pété. Je mets en panne (je stoppe le bateau en mettant les voiles à contre), j’ouvre le coffre arrière, bingo c’est la barre de liaison qui a cassé. Plus précisément c’est un diabolo, la pièce qui se fixe sur un des safrans qui a cassé net. Hors de question de faire route ainsi handicapé avec le risque d’orages en mer qui se profile. J’appelle le port, nous revenons à notre place. Après diagnostic, je dois attendre le lendemain l’ouverture des shipchandler pour trouver la pièce de remplacement. En attendant nous allons profiter de l’occasion et de cette escale forcée pour aller visiter à nouveau Athènes. Nous allons d’abord déjeuner dans une taverne spécialisée dans les poissons dans la Marina du yacht club où j’étais allé quelques jours auparavant.


Nous retournons ensuite au quartier de Plaka de la veille. La météo est enfin clémente et la douceur est de mise. Nous flânons le long de l’antique Ágora. L’ambiance est douce et apaisante au milieu d’une végétation peu commune pour un centre ville, des pins, des oliviers. Au détours d’une ruelle perdue nous découvrons un artisan joaillier qui nous fait découvrir son monde de création autour d’un verre de Raki (eau de vie). Son histoire est singulière, il a souffert d’une tumeur au cerveau il y a 2 ans, ce qui n’a nullement nuit à son art, bien au contraire. L’homme, adorable, est à la fois joaillier mais aussi une sorte de Gepetto car il fabrique des marionettes et propose ses talents pour des spectacles vidéos et scénographiques. Nous restons longtemps dans son échoppe à bavarder sous le parfum de plants de jasmins odorants. Doriane me fait un cadeau magnifique que le destin a porté à moi : un petit voilier en métal avec son skipper miniature.

Après ce moment enchanté nous allons boire un verre sur un rooftop. Tout à coup, alors que le temps était idéal, nous recevons, sans aucun signe avant coureur, des sauts d’eau violents. Un orage sorti de nulle part fait soudain rage. Il pleut des cordes, c’est la panique partout dans les restaurants. La rue s’est transformée en torrent dément. Nous devons attendre trente minutes que tout se calme avant de pouvoir prendre un taxi et retourner au bateau, trempés. On commence à en avoir assez de ce temps et de l’humidité persistente. Je rêve d’îles sèches, et de vent.

Lundi 11 octobre
La nuit a été pénible, très humide et pas du tout reposante. Je m’attelle à changer la pièce de la barre non sans difficulté. Nous appareillons finalement à 11h30 de la Marina. Enfin. Le temps est plutôt encourageant avec de belles éclaircies mais une absence totale de vent qui nous oblige à faire route au moteur sous une houle tenace vestige des nombreux orages précédents. Mais quel bonheur total d’être en mer. Il fait beau, il fait chaud et le paysage défile avec grâce et douceur. Il est temps de préparer notre déjeuner, les sempiternels sandwichs de mer. Au large de l’île d’Egina le vent arrive enfin nous permettant de faire route à la voile sous 15 noeuds de vent.


Le vent est si bon que nous décidons de continuer jusqu’à l’île d’Agistri située plus à l’ouest. Vue du large l’île semble faiblement habitée et couverte d’une végétation dense constituée de pins qui embaument l’air jusqu’au large.

Nous relâchons au tout petit port de Megalochori situé au nord ouest de l’île. Des finlandais nous aident à nous ammarrer sur l’unique ponton du port. Une fois à terre c’est un enchantement paisible et calme que nous apprécions à sa juste valeur après la frénésie d’Athènes. Après une balade, une baignade fraîche et une douche improvisée sur le pont, nous allons dîner à la taverne locale pour clôturer de la plus belle des façons cette merveilleuse journée de mer passée tous les deux… Plus amoureux que jamais…
