Samedi 16 octobre
Je ne vais pas m’éterniser sur la journée affreuse d’hier. Des orages énormes et trempés jusqu’à l’os. Heureusement que nous avions une chambre en dehors du bateau car la nuit aurait été difficile et le jour aussi. Ce samedi matin la vie reprend son cours et, le beau temps pointant le bout de son nez, des touristes et des athéniens aussi. Mais ce matin je suis un peu triste car ma Doriane s’en va pour retrouver nos chats. Elle prend juste un peu d’avance, je la rejoins dans quelques jours. Mais je vais quand même profiter encore jusqu’au bout de quelques navigations qui se présentent. Après l’avoir accompagné jusqu’au départ du ferry à 12h, je retrouve Babar pour de nouvelles aventures en solitaire. Cap sur Epidaure, sur la côte du Péloponnèse. Je largue les pendilles, sors du port d’Egina et envoie les voiles. Le vent est faible mais suffisant pour le moment. Mais au bout d’une heure et demi je me vois contraint de mettre le moteur pour avancer.

Je passe au large de l’île d’Agistri, notre île avec Doriane, lieu de si bons souvenirs proches. C’est à ce moment que je peux à nouveau mettre les voiles, éteindre le moteur. J’en profite pour manger un petit morceau tout en contemplant la beauté de la mer, des îles et montagnes alentours.
Je rencontre alors de nouveaux problèmes avec mon pilote qui n’arrive pas à tenir le cap autour du 240e degrés. Je fais des essais en passant en mode vent, ça fonctionne. Aucun doute possible c’est le gyro compas qui est défectueux. Je contacterai Nke pour en savoir plus.


Me voici arrivé au petit port de Nea Epidauvra sur le Péloponnèse. L’endroit est vide avec juste deux voiliers, un anglais seul et un couple de danois. Ils m’aident pour m’amarrer sur pendilles. Le port est très sécurisé ce qui est plutôt rare en Grèce. Une fois à terre, je découvre un site fort joli entouré de hautes montagnes boisées et de petits hameaux. Trois tavernes sont ouvertes sans que je sache vraiment pour quels clients au vu de l’absence totale de touristes. Alors que je déambule sur le quai, je suis assailli par une dizaine de chats de toutes les couleurs. Trois attirent mon attention, ils sont tout jeunes et rouquins. Je vais leur chercher des croquettes qui me restent de mon Solenzu. C’est la fête ! Après ce festin, deux d’entre eux me suivent et me collent jusqu’à la taverne où je vais prendre l’apéritif et dîner.
Je vais rester deux nuits ici, à m’imprégner du lieu, me balader, nourrir les animaux, ne rien faire. Et surtout me mettre à l’abri des orages encore nombreux.

Nourrir mes nouveaux amis est devenu un rituel, un but de mes deux journées ici. J’ai aussi fait la connaissance émouvante de Skylos (c’est le nom que je lui ai donné, ça veut dire… Chien en grec), un chien errant abandonné qui s’est attaché à moi et inversement. Il me suis partout, je le nourris copieusement aussi. En discutant avec le serveur de ma taverne quotidienne, celui ci m’explique que les gens abandonnent souvent les chiens, qui deviennent errants sans être pris en charge ni par des associations ni par l’état. Durant les beaux jours, ce n’est pas grave car les touristes et les restaurateurs les nourrissent. Mais à partir de fin octobre, tout fermé et l’enfer hivernal avec la douleur du ventre vide s’abat sur ces pauvres bêtes, chiens et chats, ces derniers arrivent à se débrouiller plus ou moins, les chiens quant à eux se rassemblent en meutes et créent de nombreux problèmes.

Lundi 18 octobre
C’est le cœur lourd que je quitte mes amis dont Skylos qui reste sur le quai à me fixer pendant que je m’éloigne doucement du port. Je leur ai donné toutes mes provisions, il ne me reste que de quoi manger pour deux jours. Je suis triste, j’ai l’impression de les abandonner.
La navigation du jour doit me porter jusqu’à la crique au sud d’Egina où nous nous étions arrêtés il y a quelques jours avec Doriane. Mais cette fois c’est pour y passer la nuit.
Malgré mon cœur lourd, je m’émerveille devant ce sublime golfe Saronique. Le soleil est enfin revenu mais il a oublié le vent au passage, et c’est au moteur que se passe une grande partie de cette navigation malgré un début prometteur à glisser sur l’eau avec un souffle matinal. Le rythme s’installe, lectures, contemplations etc. J’aime cette sensation d’être utile à quelque chose, de faire avancer de la meilleure façon possible mon bateau dans un décor féerique. Les heures défilent comme un soupir et me voici déjà à longer l’île d’Egina. Tout à coup, des remous, des ailerons, aucun doute possible, ce sont des dauphins ! Incroyable, ils sont à quelques centaines de mètres du rivage. Je ne me lasserai jamais de ces rencontres avec merveilleux représentants de la Nature.
Il est 16h30 et j’arrive dans la belle crique où nous avions mouillé avec Doriane située un peu au-dessus de Pedraki. Je tourne un moment pour me trouver un emplacement sécurisé pour la nuit et surtout en prévision d’un vent du nord qui va rentrer. Je mouille l’ancre par trois mètres de fond de sable. Après une baignade tout nu, tout seul, je me concocte une jolie soirée en solo avec un bon plat de Pasta al tonno sous le clair de lune.