Cap au sud

Samedi 21 mai.

C’est l’heure des adieux. Je suis un peu triste de quitter mes amis de croisière et retrouver ma solitude. Mais il faut partir pour se retrouver ! La tempête est passée, J’ai préparé Babar, fait l’appoint d’avitaillement, il est temps de lever l’ancre. Je regrette juste de n’avoir pas pu apercevoir le phoque moine vu par Christian dans le port ce matin. La manœuvre d’appareillage est simple avec le vent nul. Une fois sorti du port, je range un peu le pont, prépare les voiles et glisse doucement dans la baie, pour l’instant au moteur, pour mettre le cap sur l’île de Kithnos distante de 38 milles. Il est 10h30.

Une fois sorti de la baie je scrute l’horizon vers l’est et j’aperçois de gros moutons signe de vent fort. Très vite il est sur moi. J’avais déjà prévu le coup, pris un ris dans la grand voile et gréée la trinquette sur l’étai largable. Babar est en mode hyperespace à son allure favorite le grand largue.

La navigation est rapide mais brutale. Babar monte et descend au grès des vagues de trois mètres. La mer est blanche et je pense aux plaisanciers attablés à une taverne à siroter un Ouzo frais avec quatre olives devant la mer. Ce plaisir sera pour plus tard pour moi et n’en sera que plus savoureux.

Je fais des pointes à neuf nœuds. Je sens que j’aurais pu envoyer toute la toile mais je préfère préserver le bateau (et moi avec). Je ne suis pas en régate et la navigation en solitaire exige de la prudence. Je dépasse l’île de Kéa en mode express et m’inquiète d’un gros ferry qui m’arrive sur l’arrière bâbord et semble croiser ma route. Avec ce vent fort et cette mer, je me vois mal m’amuser à faire des virements de bord. Finalement, il me dépasse par tribord. Ce petit enfer est pour moi un paradis, je file à fond sous un merveilleux soleil, parfois je goutte le sel de cette mer que j’apprends à connaître mais jamais à dompter, quand une vague plus forte que les autres se brise sur Babar et éclate en pluie d’écume.

L’île de Kithnos est à proximité quand, vers 17 heures, alors qu’il me reste cinq ou six milles à parcourir, le vent s’éteint d’un coup laissant la grosse houle décréter sa loi. Le paradis nautique se transforme en enfer en un clin d’œil. Le bateau souffre avec la voile qui claque violemment. Je décide de tout affaler et mettre le moteur en route. La navigation devient très pénible et le contour d’un petit cap me menant vers le mouillage que j’ai choisi est interminable. Une fois de l’autre côté, la mer s’apaise d’un coup et Babar glisse jusqu’à son lit pour la nuit.

L’endroit est sauvage et enchanteur. Tout n’est que caillasse et garrigue dont les odeurs me parviennent par le vent. Seules des brebis et des chèvres peuplent l’endroit, c’est un pur produit de la magie des Cyclades. À l’entrée de la crique, une chappelle orthodoxe veille sur cet écrin. Je mouille devant la plage par cinq mètres de sable. La mer est redevenue trop froide après le coup de vent et je rechigne à me baigner. Je suis quitte pour une douche sur le pont. La soirée arrive, douce, enveloppante et la voûte étoilée sera ma couverture.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s