Mercredi 25 mai
Le matin est calme et j’en profite pour ré initialiser le gyrocompas de mon pilote. Il s’agit d’un compas électronique qui envoi les données au pilote ce qui lui permet de maintenir un cap. Comme je l’ai déjà souligné, je rencontre des problèmes depuis un moment sans comprendre l’origine. La manœuvre est simple mais fastidieuse, il faut que je fasse minimum trois ronds dans l’eau de cinq fois la dimension du bateau et ce, à vitesse constante, sans houle, sans vent, sans courant… c’est parti, me voilà à tourner en rond pendant une heure. Je fais ensuite les tests, le pilote semble bien tenir le cap dans toutes les configurations de cap mais… les données du compas sont erronées. En gros quand je vais au nord c’est à dire au cap 0°, celui-ci m’indique une autre valeur du genre 45°. Je ne comprends plus rien je verrai avec le fabricant. En attendant le pilote semble bien fonctionner et c’est l’essentiel. Je mets donc le cap sur l’île de Kithnos où j’étais quelques jours plus tôt mais cette fois direction le nord de l’île.. j’ai deux options, soit une crique très sauvage soit le tout petit port de Loutro.

Le vent n’est toujours pas de la partie en ce début de navigation de trente milles. La mer est un miroir d’un bleu si pur qu’on la confond avec le ciel. C’est magnifique et je reste longtemps à observer cette beauté. Il commence à faire très chaud et je m’essaye à installer le bimini du pauvre. Sans grand succès même si cela me permet de déjeuner un peu à l’ombre.

Après quelques sandwichs, je m’allonge le long du bordé tribord, à l’ombre de la grand voile à m’ennivrer de bleu de cette si belle mer Egée. Je scrute les profondeurs bleu nuit, à la recherche de quelque animaux marins, mais rien n’apparaît. Je me sens si bien, comme dans un rêve. J’attends toute l’année, tout l’hiver ce moment précis de communion, de plénitude.


Et puis ça y est, Eole est sorti de sa sieste et se réveille doucement. Babar glisse en silence, doucement à trois nœuds, et puis ça monte paisiblement jusqu’à maintenir notre vitesse autour des cinq nœuds. Nous arrivons bientôt à l’île de Kithnos qui est finalement notre alpha et oméga. Après le sud, place au nord. Je trouve cette île magnifique et sauvage. Ici ce sont de hautes falaises de roche sombre couleur ardoise qui prédominent, ce qui donne un côté inhospitalier qui me plaît.

Finalement le mouillage que javais identifié s’avère plutôt dangereux avec des fonds qui remontent vite et un côté enclavé de hautes falaises peu sécurisant. Il suffit qu’un peu de vent se lève et je parie que ça tourbillonne dans la crique. D’ailleurs, une fois à l’intérieur je reçois un vent contraire à celui en mer. Je décide de mettre le cap sur mon plan B, le petit port de Loutria. J’ai noté qu’il y avait parfois quelques places longside (le long du quai) car, étant en solitaire, je ne peux pas mouiller l’ancre et culer sur le quai à la grecque. J’appelle le maître de port dont j’ai trouvé le numéro sur l’application Navily. C’est ok il reste une place, elle est pour moi à la condition que je la libère le lendemain.






Ce petit port est charmant et respire le bien être. J’entre doucement et m’amarre à ma place attribuée. Je suis toujours assez fier d’entrer dans un port avec mon petit Babar tout vert. Tout le monde nous regarde. Le port est bondé de voiliers de location. Sur le quai m’attend la communauté habituelle des chats de l’île avec, en tête, un noir et blanc qui fait que parler et me fait penser à notre pauvre Roméo. Dès que je mets pied à terre je me sens bien ici. L’atmosphère est paisible. J’engage une petite conversation avec un gros autrichien dans un voilier de bric et de broc. Le soir c’est dîner dans une taverne les pieds dans le sable. Ici, comme souvent en Grèce, les restaurants ne s’emmerdent pas à avoir des autorisations pour tirer 3 tables sur la grève, ils bossent et ils donnent du bonheur aux gens de passage, point barre. En France, où nous sommes trop nombreux, avec notre vie dictée par la bureaucratie, ce serait impossible. Résultat, personne n’est heureux et personne ne peut bosser. On est perdant sur tous les tableaux.


Mais avant d’aller dîner, je me suis fait une douche sur le pont et me suis reposé un moment. Tout à coup j’entends du bruit et qui je vois pointer le bout de ses moustaches ? Forcément, les images, sensations et souvenirs de mon Solenzu me reviennent avec cette petite visite. Je me rappelle quand il montait sur la bôme et sautait sur le roof… mon chat, tu me manques tant.
