Un bon cru

Vendredi 27 mai

Cette première croisière printanière dans les eaux grecques a été un excellent cru. J’ai eu les conditions rêvées pour découvrir les Cyclades, comme je l’espérais. Et cette avant dernière journée semble confirmer ce bilan à chaud. Je lève l’ancre alors qu’un très léger vent commence à se réveiller, signe qu’il est temps de partir. Je fais toujours forte impression dans un mouillage encombré auprès des voisins qui me regardent à lever l’ancre tout seul, à la main et envoyer les voiles et les manœuvres.

Je prends la route du vent, c’est à dire celle qu’il me permet de prendre, pas forcément celle en ligne droite vers ma prochaine destination l’île d’Egina. Je commence par longer la côte d’Attiques, puis au fur et à mesure que le vent adonne, j’arrive à faire cap vers l’île. L’endroit est sensible car nous devons traverser le chenal des cargos, pétroliers et autres ferrys. C’est une sorte de gimkhana entre des monstres d’acier et Babar petit voilier modeste. Au bout de deux heures, je considère avoir dépassé le chenal et peux commencer à naviguer détendu. Je laisse le pilote bosser pendant que je m’adonne à mon activité favorite, contempler la mer le long du bastinguage (le mot est un peu fort, parlons plutôt des filaires). Tout à coup je crois rêver… un aileron ! Bah c’est un Mola Mola, à chaque fois il me fait le coup. Sauf que là c’est très différent. Déjà l’aileron reste droit alors que chez le Mola celui-ci se dandine de gauche à droite et surtout je distingue le corps en forme de fuselage gris et blanc. Un requin !!!! Un joli petit Peau bleu qui doit faire 1.5m. Je n’ai, hélas, pas le temps de prendre une photo. Quelle belle rencontre. J’en avais jamais vu au bout de quinze ans de voile..

J’arrive progressivement en vue de l’île de Moni, haute et couverte de pins, elle est la toute petite voisine d’Egina. J’ai envie de m’y arrêter sur son versant nord à l’abri des fortes brises thermiques car il paraît qu’il y a des biches et des paons à l’état sauvage. Pour y arriver, je prends la passe entre les deux îles avec, sur ma droite le charmant village côtier de Perdika. Monsieur Venturi s’excite encore et, une fois sous le vent de Moni, il souffle ses quinze nœuds établis rendant l’arrivée sur la zone de mouillage compliquée à gérer. Le premier mouillage ne me plaît pas il est trop exposé. Par contre, derrière une petite presqu’île orientée nord sud, j’identifie un vaste espace de sable protégé. J’affale les voiles non sans difficulté avec le vent qui, en passant par dessus la montagne retombe avec force sur moi. Le fond de l’eau est blanc ce qui laisse supposer du bon sable pour mouiller l’ancre. Je tourne sur le plan d’eau, choisi le meilleur moment sans rafale et je mouille l’ancre. Le bateau part en crabe et je déroule la chaîne avec fracas. Babar se positionne rapidement nez au vent en tirant avec force sur la chaîne. Mais j’ai un mauvais pressentiment, je sens qu’un truc cloche. La chaîne fait des à coups, signe que l’ancre a du mal à crocher. Je laisse filer encore plus de chaîne jusqu’au cablot puis vais au moteur donner un coup de marche arrière, et le bateau, après avoir continué à reculer s’arrête doucement . Mais je n’ai pas confiance. Rapidement, je suis à l’eau avec mon masque pour aller voir là-dessous. Déjà, à deux mètres de la chaîne, je vois un gros truc rouillé, idéal pour qu’elle se prenne là-dedans et me garantir des emmerdes. Je prends ma respiration, descends à environ huit mètres, prends le truc qui s’avère être une grosse chaise en métal et je la déplace plus loin. Maintenant le plus important est d’aller voir l’ancre. Une fois au dessus d’elle, je constate qu’elle est juste posée sur le sol. Comme je le craignais elle n’a pas crochée. Mais pourquoi étant donné que le sol semble être du sable ? Je descends et, horreur, ce n’est pas du sable mais de la roche d’une couleur semblable. Le piège ! Hors de question de rester ici avec en prime ce vent fort qui va tôt ou tard me faire dériver. Je remonte aussi sec sur Babar, mets les moteurs en route et file à l’avant remonter le mouillage le plus vite et le plus fort possible car les rafales font décrocher le bateau de plus en plus à chaque mètre de chaîne relevé. Ça y est, l’intégralité du mouillage est à bord, je fonce à l’arrière pour reprendre les commandes du bateau. Et c’est encore tout mouillé d’eau de mer et de sueur que je mets le cap vers un mouillage sécurisé que je connais, sur l’île d’Egina à quelques encablures. C’est dommage que je sois obligé de quitter ce mouillage piégeux car j’entendais depuis la mer les cris des paons sauvages. Mais c’est la sécurité avant tout, d’autant plus en solitaire où la situation peut vite passer hors de contrôle.

Après cet épisode, bon pour les muscles, moins pour le stress, j’ai bien mérité une soirée tranquille. Ce sera le cas après ma dernière douche de mer dans une eau qui tutoie désormais les vingt degrés suivie d’une belle soirée sous les étoiles. Que d’émotions durant cette croisière de printemps, que de beauté et de découverte. Plus le temps passe, plus je sens de l’eau de mer couler dans mes veines. Il n’aura manqué qu’une seule chose et non des moindres, ma sirène… ma Doriane. Je vais la retrouver dans deux jours le temps de mettre Babar à l’abri à la Zea Marina à Athènes avant que je ne revienne pour la croisière estivale.

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