Vendredi 14 octobre 2022
Le rendez-vous au chantier est calé pour 15h30. Autant dire que, en m’étant levé à sept heures, j’ai du temps devant moi. Programme prévu, commencer le rangement du bateau. Alors que je sors pour faire je ne sais quoi sur le pont je vois un très gros poisson multicolore tourner autour du bateau. C’est pas possible, ça ne peut pas être… une daurade coryphène !!!

Incroyable, c’est un poisson que l’on ne trouve habituellement que dans les eaux tropicales. Et il tourne… oh une deuxième encore plus grosse ! Elle doit faire 70 centimètres.
Je passe finalement plus de temps à observer ce manège qu’à vraiment faire le rangement du bateau. Le temps passe et il va falloir mettre en route pour aller au chantier distant de six milles nautiques. C’est alors que, dans le sillage du bateau, huit ou dix daurades me suivent à grande vitesse ! Certaines, téméraires, foncent vers le bateau et essayent, de ce que je crois, de mordre les safrans. Que se passe t il ? Après les orques qui se mettent à attaquer les bateaux en Atlantique, voilà que les daurades s’y mettent aussi !
Tout à coup, je vois passer, de dessous du bateau, un banc d’orphies (sortes de poissons long au bec fin qui ressemble à des anguilles). Je commence à comprendre, ce banc, certainement met favori des daurades, s’était protégé sous le bateau, et lorsque celui ci s’est mis à avancer, tout ce petit monde s’est mis en branle. C’est la curée là dessous, je vois à quel point ces poissons sont voraces, ils sautent de partout à une vitesse prodigieuse, attrapent à la volée ces pauvres orphies. D’un coup, l’une d’elle essaye de se mettre à l’abri en sautant sur le petit rebord du bateau. Je l’attrape avec l’idée de la sauver, mais ne sachant quoi en faire (après réflexion j’aurais pu la mettre dans un seau le temps d’aller au large pour la libérer,mais je craignais qu’elle ne meure asphyxiée), je la remet à sa place, et arriva ce que Dame Nature avait prévu comme destinée pour elle, elle se fit dévorer en un clin d’œil. Tentative ridicule de ma part. J’ai un peu honte.
Après ce moment plutôt exceptionnel, il est temps maintenant de mettre Babar dans ses quartiers d’hiver. La mise à terre se passe comme d’habitude et me revoici sur le pont de Babar à trois mètres de hauteur au milieu d’un champs… impression étrange et un peu triste de la fin de quelque chose.
C’est parti pour le rangement total, remiser les voiles pour la révision à la voilerie, faire un tour du propriétaire avec le chantier pour prévoir les travaux de cet hiver etc.
Le samedi, à l’occasion d’une visite d’un shipchandler, je fais la rencontre d’un grec fort sympathique qui parle français parfaitement, rapidement, nous voilà attablés à une petite taverne autour d’un ouzo. L’endroit est délicieux tout comme les plats, des mezes faits maison, on est loin des tavernes à touristes. Il me présente le patron et la cuisinières, des gens adorables. Mais je ne donnerai pas l’adresse, j’en ai ma claque des trucs partagés par les voyageurs et les touristes de part le monde et instagram-compatible. C’est ainsi que l’on perd toute authenticité. J’apprends qu’il est juriste en droit maritime international à la retraite, que sa femme est française et que lui, originaire d’Athènes, a passé toute ses vacances dans la maison familiale ici à Egine. Son nom, Iraklis, Hérakles ! Tout simplement. Nous nous reverrons !
Mais les rencontres du jour ne sont pas finies. En retournant au chantier, un camping car est stationné devant Babar. Je jette un œil et j’entame la conversation avec un singulier personnage. Un Galois aventurier, tel qu’on n’en trouve plus. J’apprends que le bonhomme est âgé de soixante dix ans mais je n’arrivais pas à lui donner un âge. Il a fait, il y a quelques années, l’Everest, puis un tour du monde à la voile sur deux ans et demi, il vit l’hiver dans son camping car et à partir du printemps dans son voilier, hiverné ici à côté des Babar. Là, il revient d’un trek de plusieurs jours dans les montagnes du Péloponese ! On va l’opérer d’une tumeur à l’épaule vendredi prochain et c’est une formalité pour lui. Ok il ne nage plus aussi aisément qu’avant, mais il reste bien plus alerte que la majorité des jeunes. Ses secrets : la soif de découverte, no smoke, no alcool ! Comme pour Hiraklis, nous nous reverrons !
Je finis maintenant l’hivernage de mon (notre) Babar… salut mon frère ! On se revoit bientôt !
